Ce document a d’abord été créé pour les membres en interne mais il nous a semblé intéressant de l’adapter et de le partager avec toute personne intéressée.
Nous avons conscience des termes jargonneux qui suivent. Cela nous semble important de poser ces mots mais nous n’exigeons pas que toutes les personnes qui nous lisent, qui s’impliquent dans l’association ou souhaiteraient s’y impliquer maîtrisent parfaitement ces concepts. Il s’agit néanmoins d’enjeux sur lesquels nous nous formons de façon continue, et de luttes dont la légitimité n’est pas à débattre.
Notre position politique
Nos projets s’organisent autour de la lutte contre plusieurs systèmes d’oppression qui régissent la société, qui nous traversent et influencent nos comportements. Ces systèmes sont notamment :
- la suprématie blanche1
- la putophobie2
- le cishétéropatriarcat3
- le validisme4 et le psyvalidisme5
- le capitalisme6 et les violences de classe7/ et le classisme8
- la grossophobie9
Cette liste n’est ni exhaustive ni hiérarchique.
Nous soutenons toutes les luttes “par et pour” les personnes marginalisées et leur auto-organisation.
Nos valeurs
En apprentissage
Le militantisme, c’est beaucoup d’apprentissages ! Au sein du collectif, nous sommes dans une démarche d’apprentissage et d’expérimentation constants.
Nous tendons vers une posture d’humilité10 : nous faisons des erreurs et nous remettons en question. Nous nous renseignons régulièrement sur les enjeux politiques, systémiques et militants qui nous rassemblent et faisons de notre mieux pour ne pas tomber dans une logique de pureté militante11. Nous respectons le rythme d’apprentissage de nos publics et de nos membres, avec bienveillance, tant que les personnes sont prêtes à se remettre en question. Les interpellations sont les bienvenues car elles constituent des opportunités de réfléchir et s’améliorer individuellement et collectivement.
Quelques exemples d’activités que nous proposons en interne : écoutes de podcasts, visites guidées, formations avec des personnes concernées externes à l’organisation, auto-évaluations régulières…Nous invitons aussi les membres du collectif à s’interroger sur leurs privilèges ou oppressions via des outils divers.
Esprit critique
Nous sommes indigné·es par le système actuel (capitaliste, colonial, patriarcal, validiste, hétéronormé…) et c’est ce qui nous motive à militer ensemble au Poisson sans bicyclette.
Malgré le fait que nous ayons un subside structurel en Éducation permanente, nous sommes critiques des institutions et nous nous questionnons régulièrement sur nos choix et nos pratiques.
Cet esprit critique s’applique aussi à nous-mêmes car nous sommes conscient·es que chacun·e est façonné·e par sa position dans les différents systèmes de domination. Ainsi, une personne blanche ou valide dans une société raciste et validiste comme la nôtre est conditionnée par les privilèges que cette société lui a attribués, qu’elle le veuille ou non. L’objectif est d’être un·e meilleur·e allié·e des luttes et non de devenir une personne parfaite qui ne fait jamais d’erreur (ce qui serait illusoire et politiquement peu intéressant).
Accessibilité
Nous visons l’accueil de toustes dans la diversité des fonctionnements, des identités et des corps. Nous n’avons pas une volonté d’homogénéisation de notre groupe et nous questionnons perpétuellement les normes dominantes. Nous tentons de tenir compte des réalités et besoins de chaque membre, comme de ceux des intervenant·es et publics externes. Nous sommes ouvert·es aux demandes d’aménagements. Nous ne cherchons pas non plus à instrumentaliser l’inclusivité : l’adhésion au Poisson sans bicyclette doit se faire de manière libre et non influencée, et nous refusons toute logique interventionniste dans la composition de notre groupe.
Quelques exemples d’initiatives que nous menons en interne : proposer des espaces pour accueillir la parole des membres, proposer un soutien moral ou financier du collectif.
De façon plus transversale, nous travaillons à rendre le Récif (notre local) le mieux accessible possible. Nous avons ainsi travaillé avec des expert·es externes et partagé les connaissances accumulées dans deux publications à destination des espaces militants et culturels.
Autogestion
Nous fonctionnons de manière autogérée. Cela signifie que nous nous organisons et prenons des décisions de façon horizontale, à l’aide d’outils de gouvernance partagée12. Les décisions concernant l’orientation des projets se prennent toujours collectivement et les salarié·es sont au service du projet pour l’opérationnalisation de certaines tâches. Nous fonctionnons en bulles (groupes de travail) qui sont mandatées pour réaliser des tâches liées à leur raison d’être. Toutes les 5 semaines, nous nous réunissons en assemblée générale (groupe cœur), pour faire un aller-retour entre les bulles et l’ensemble du collectif, et prendre les décisions qui ne sont le mandat d’aucune bulle.
Quelques exemples de notre fonctionnement interne : il n’y a aucun rôle ou position hiérarchiques, les rôles ne sont pas prédéterminés et tournent d’un événement à l’autre, les bulles comme le groupe cœur sont autonomes.
Faire collectif
Le collectif évolue au contact de ses membres.
Nous travaillons toujours en duo ou en équipe. Nous nous soutenons dans les bons moments, comme dans les mauvais. Nous essayons de prendre soin de nous en faisant de la joie, du lien et du soutien mutuel, des éléments essentiels à la lutte. Nous veillons à l’accueil et à l’accompagnement des membres, pour encourager le sentiment d’appartenance au collectif. La puissance collective est notre moteur. Par ailleurs, nous avons pensé à plusieurs façons de gérer les tensions/conflits/violences systémiques.
Quelques exemples de choses que nous mettons en place pour faire collectif : procédure de gestion de violence systémique et de conflits, constitution d’un comité d’accompagnement, poissons pilotes (système de pmarrainages), fish love & fun (moments informels), mise au vert (un weekend par an hors de Bruxelles)…
Solidarité
Nous souhaitons mettre la solidarité féministe au cœur de notre militantisme. Nous croyons dans le soutien mutuel en général, entre membres du collectif et entre associations affinitaires.
Quelques exemples d’initiatives que nous menons ou relayons : événements gratuits ou prix à étages ; dons à des organisations, des causes ou des caisses de solidarité financés par les recettes d’un événement ou par notre caisse de solidarité ; aides ponctuelles à d’autres collectifs, aides mutuelles entre les membres, mise à disposition de services (lieu, logiciels, matériel).
Confiance
L’intention de l’association est que chacun·e se sente assez en sécurité pour proposer des activités qui læ motivent et qui lui donnent envie de faire vivre les projets et le lieu. L’idée est aussi de favoriser la confiance pour que chacun·e puisse se positionner, émettre des critiques ou des positionnements (pour autant que la personne soit concernée par le sujet ou qu’elle soit prête à se remettre en question).
Nous partons du principe que nous nous faisons confiance et nous nous donnons les moyens que cela se réalise pour autant que cela rentre dans nos valeurs.
Les rôles et les tâches que chacun·e peut prendre au sein du Poisson sans bicyclette ne sont pas tant liés à des compétences qu’à des envies d’expérimenter. On se fait confiance dans la capacité de toustes à gérer différents aspects du projet (animation, communication, représentation externe, etc.). La confiance est aussi envisagée dans le sens de l’intention que nous mettons chacun·e dans le collectif. Nous nous faisons confiance a priori, dans l’idée que nous pouvons toustes faire des erreurs mais que nous sommes toustes également capables d’apprendre et d’évoluer dans nos positions et dans nos actes. Nous partons du principe que, jusqu’à preuve du contraire, les personnes sont sincères et que les interpellations individuelles ou collectives sont des opportunités qui nous sont données de devenir des personnes et un collectif moins violent et plus solidaire.
- Suprémacie blanche : c’est une idéologie, une doctrine raciste fondée sur la théorie selon laquelle les personnes blanc·hes sont supérieures aux personnes racisé·es, ce qui conduit à des accès de violences, des meurtres, des attentats, des agressions des suprémacistes blanc·hes sur des personnes racisé·es. (Source : https://jargoncombatif.be/def.php) ↩︎
- Putophobie : c’est la discrimination et l’attitude hostile envers les travailleur·ses du sexe. (Source : https://jargoncombatif.be/def.php) ↩︎
- Cishétéropatriarcat : à la base, ce mot se rapporte à la figure paternelle, où le père (le patriarche) a tous les droits sur ses enfants et sa femme dans un schéma familial hétérosexuel.
On désigne une société patriarcale comme une société dans lequel le pouvoir et l’autorité appartiennent aux hommes cisgenres. De fait les hommes cisgenres détiennent un rôle politique, religieux et économique plus élevé que les fxmmes : c’est un système social de domination masculine. (Source : https://jargoncombatif.be/def.php) ↩︎ - Validisme : c’est la discrimination, l’attitude hostile envers les personnes handicapé·es. (Source : https://jargoncombatif.be/def.php) ↩︎
- Psyvalidisme (ou psychophobie) : c’est la discrimination envers les personnes ayant un trouble de la santé mentale ou luttant avec leur santé mentale. (Source : https://jargoncombatif.be/def.php) ↩︎
- Capitalisme : c’est le système social et économique fondé sur la propriété privée, la liberté de concurrence et sur l’accumulation de capital pour en faire du profit (un gain financier). (Source : https://jargoncombatif.be/def.php) ↩︎
- Classe sociale : ça désigne un grand groupe d’individus caractérisé par son statut social (donc la position occupée dans une société), son mode de vie, ses revenus, sa profession, ses propriétés ou non et qui se place dans une hiérarchie ou pyramide sociale.
Cette hiérarchie ou pyramide sociale se compose comme suit, du plus bas au plus haut : le prolétariat (avec la classe ouvrière), la classe moyenne (avec la classe moyenne inférieur et la classe moyenne supérieur) et la bourgeoisie (avec la petite bourgeoisie, la moyenne bourgeoisie et la haute bourgeoisie). (Source : https://jargoncombatif.be/def.php) ↩︎ - Classisme : c’est la discrimation, l’attitude hostile envers les personnes issues des classes populaires. ↩︎
- Grossophobie : c’est la discrimination, l’attitude hostile envers les personnes grosses.
La grossophobie existe à plein de niveaux : la grossophobie médicale, qui est la discrimination envers les personnes grosses de la part du milieu hospitalier, des soignant·e·s et des médecins, ou la grossophobie dans le milieu de la mode et du prêt-à-porter. (Source : https://jargoncombatif.be/def.php) ↩︎ - Posture d’humilité : attitude d’écoute et non pas de débat à adopter quand on n’est pas concerné‧e par une oppression. (Source : https://jargoncombatif.be/def.php) ↩︎
- Pureté militante : injonction à avoir un comportement parfait ou irréprochable dans certains cercles militants, à l’intérieur et à l’extérieur du groupe. ↩︎
- Gouvernance partagée : ensemble de règles et de pratiques pour “faire collectif” en allant vers plus de coopération et d’horizontalité. ↩︎