En 2021, nous sommes parti·es à la recherche d’un nouveau local pour le Poisson. A cette occasion, nous avons commencé à réfléchir à comment assurer l’accessibilité de notre futur bocal.

Ce projet vise à questionner ce qu’on entend par “accessibilité”, et à contribuer à diffuser dans les milieux militants et culturels belges francophones conseils, bonnes pratiques, sensibilisation, et revendications sur les questions d’accessibilité.


Qu’entend-on par accessibilité ?

L’accessibilité, ça signifie que des espaces et des milieux puissent être facilement à portée de toustes.
On pense généralement aux rampes d’accès pour les personnes qui utilisent un fauteuil roulant (en oubliant au passage que le reste de l’espace, les couloirs, les tables, les toilettes, et aussi la rue et les transports pour accéder à l’endroit doivent aussi être navigables en fauteuil), mais l’accessibilité ne se limite pas à ces rampes.
Ainsi, un événement sans interprètes en langues des signes, sans sous-titrage ou support écrit, sans espace isolé du bruit, utilisant des lumières stroboscopiques, ne respectant pas les précautions sanitaires, planifié tard le soir, ou coûtant cher, est également inaccessible à de nombreuses personnes.
Et ce ne sont que quelques exemples !

S’il faut rendre quelque chose accessible, ça signifie bien que l’état de base est l’inaccessibilité, soit l’exclusion de certaines personnes et groupes de personnes. L’inaccessibilité, c’est le fait de ne pas penser certaines personnes comme faisant partie de l’espace public et de la société.
Donc penser l’accessibilité, c’est penser dès le départ, à la base, tout individu comme public et participants potentiels, et ce dans tous les aspects : l’espace concret, le matériel, l’organisation, le langage, les références culturelles…


L’accessibilité des espaces militants et culturels : les questionnements à la base de notre projet.

L’appropriation et la réappropriation des espaces militants et culturels par les groupes sociaux marginalisés est un enjeu important dans un processus d’auto-émancipation. Or les espaces militants et culturels n’échappent pas à la reproduction des rapports de domination et excluent de fait certains groupes sociaux marginalisés, que ce soit par l’aménagement de leurs lieux, l’organisation des réunions et des activités, la manière d’aborder certaines thématiques… 

Le Poisson sans bicyclette a commencé à se poser la question de l’accessibilité de ses événements dès ses débuts. Le questionnement de savoir ce qu’est un espace accessible s’est cependant renforcé ces deux dernières années — via le projet FOLIES FURIEUSES (2021-2022) et la recherche d’un nouveau local fixe pour héberger nos activités (2022-2023).

  • En 2021 et 2022, nous avons travaillé sur le projet FOLIES FURIEUSES (2021-2022). Le projet a porté sur les discriminations vécues par les personnes neuroatypiques, touchées par des troubles psy. Comment rendre nos activités accessibles à ces personnes ? Comment faire évoluer le fonctionnement de notre asbl pour mettre en pratique nos valeurs anti-validistes, d’autant plus mises à mal par le système capitaliste dans lequel nous vivons ? Tout ça, dans un contexte de pandémie qui a creusé les inégalités et remis en question les pratiques majoritaires du milieu militant et culturel.
  • Depuis 2021, nous recherchons un nouveau local où prendre racine. La recherche de ce lieu qui serait à nous, nous a amené·es à nous interroger très concrètement sur l’aménagement de notre propre espace et son implantation dans le quartier.
    Devant le constat du public qui fréquente nos activités, et de celui qui ne les fréquente pas, nous nous demandons : nos lieux et nos propositions culturelles sont-ils accessibles et pertinents pour toustes ? que peut-on faire pour rendre nos événements et nos espaces accueillants pour davantage de personnes ?

Cela nous a amené à créer depuis mi-2022 un panel d’activités destiné à interroger l’accessibilité des espaces militants et culturels.


Comment rendre le local et les activités du Poisson sans bicyclette accessibles ?

Au printemps 2022, nous avons commencé à organiser un certain nombre d’activités visant à interroger l’accessibilité à laquelle nous aspirons.

La première phase du projet d’avril à décembre 2022 a consisté en l’organisation de rencontres avec des personnes concernées et engagées sur cette thématique. 
Ces rencontres étaient ouvertes aux membres du Poisson uniquement. À la fin de chaque rencontre, nous avons partagé sur nos réseaux sociaux les ressources mentionnées par les participant·es.


Les rencontres

Nous avons écouté et recueilli les témoignages, les partages d’expériences et les coups de gueule de nombreux·ses participant·es. Iels étaient des représentant·es de collectif·ves et associations (collective FRiDA, Fat Friendly, collectif Susu, Deafeminist, Handikapables…), et/ou des personnes engagées individuellement — comme l’artiste-performeureuse Ma tête est pleine d’endroits. Toustes étaient concerné·es par les thématiques explorées et engagé·es dans le milieu militant et/ou culturel.
Chaque rencontre était dédiée à plusieurs thématiques croisées : accessibilité physique (handicap physique et sensoriel, grossophobie), psyvalidisme, précarité-pauvreté et classisme, monoparentalité.
Les participant·es n’étaient cela dit pas limité·es par les thématiques : se situant au croisement de plusieurs oppressions et situations d’exclusion, iels étaient libres de formuler leurs expériences selon leurs propres termes et critères.

Les rencontres ont également permis à ces personnes, expertes de leur vécu, de se rencontrer et de dialoguer entre elles. Ce partage d’apprentissage est aussi devenu central dans notre projet : la volonté de créer des liens, des échanges et de la solidarité entre petits collectifs et associations ou entre individus isolés, et contribuer à visibiliser ce qui existe déjà.

A l’issue de ce cycle de rencontres, nous avons dressé un bilan et réfléchi à ce que nous pouvions faire évoluer dans notre vision du militantisme, notre fonctionnement interne et la façon dont nous organisons nos activités, afin de favoriser la participation des personnes handicapées, grosses et précaires au sein de notre collectif et dans nos activités.

Suite à cette évaluation, nous avons lancé la deuxième phase du projet, de janvier à juin 2023. Nous avons souhaité aller plus loin, pour partager avec l’ensemble du milieu associatif belge francophone ce que nous avions appris, expérimenté et observé lors de la première phase. C’est dans ce contexte que sont nées les deux publications et la brochure audio En accès limité ? rédigées par Charlie Cottin, qui sont une restitution de nos réflexions et de “bonnes pratiques”, et qui visent à créer du lien entre les associations. L’événement de lancement de ces publications a pris place le 16 juin 2023.


Les publications En accès limité ?

La brochure A5 vise à sensibiliser à l’accessibilisation du milieu culturel, tandis que le livret A4 permet d’approfondir cette thématique et englobe également le milieu associatif et militant. Il existe également une brochure audio reprenant l’introduction et le manifeste de la brochure A5.

Les deux publications poursuivent plusieurs objectifs : 

  • donner des conseils et des idées, pratiques et concrètes, à destination du milieu associatif, militant et culturel, et préciser les moyens de les mettre en place (selon nos expériences et les expériences rapportées)
  • sensibiliser plus largement aux mécanismes d’exclusion à grande échelle (l’inaccessibilité des transports et des informations, la précarité des personnes handicapées, les inégalités sociales et économiques, les préjugés omniprésents, etc.)
  • relayer les points de vue de personnes concernées et assumer un point de vue politisé et revendicateur.

La spécificité de notre travail est de nous centrer sur le contexte bruxellois et belge francophone, en nous appuyant sur les initiatives qui existent déjà, et sur notre contexte social, politique, géographique et économique. 

Nous ne prétendons pas réinventer la roue et voulons éviter de refaire ce qui a déjà été fait : de nombreuses ressources précieuses existent déjà, et nous préférons les relayer ! Nous espérons plutôt créer de l’émulation, de la rencontre et de l’entraide entre associations et collectif·ves locaux.

Pour pouvez vous procurer nos publications en format papier via notre système de précommande ci-dessous, ouvert jusqu’au 17 septembre 2023. Vous pourrez venir les récupérer à partir de fin septembre au local du Poisson (Bruxelles-centre), nous ne faisons pas d’envoi. Nous vous tiendrons informé·es par mail quand elles seront disponibles.

Quelques-unes des collectif·ves et ressources consulté·es

DES COLLECTIF·VES
Fat Friendly asbl : https://fatfriendly.be/
Corps Cool : https://www.instagram.com/corpscools/
F.R.i.D.A. (Collective Féministe Radicalement inclusive et Définitivement Anti-validiste) : https://www.instagram.com/collectivefrida/
Mulakoze, artiste pluridisciplinaire et militante antivalidiste : https://www.mulakoze.com/
Deafeminist, collectif féministe et sourd : https://www.instagram.com/deafeminist/
La fédération francophone des Sourds de Belgique : http://visualmundi.ffsb.be/
Collectif afroféministe Susu : https://www.instagram.com/collectifsusu/
Handikapables asbl : https://www.instagram.com/leshandikapables/
DES RESSOURCES
Je vais m’arranger : comment le validisme impacte la vie des personnes handicapées, Marina Carlos
https://www.marinacarlos.com/e-shop
Le guide des Dévalideuses : Accessibiliser un événement
http://lesdevalideuses.org/ressources-2/accessibiliser-un-evenement-le-guide/ 
La conférence d’Alistair Houdayer lors du Festival FOLIES FURIEUSES, sur le modèle social du handicap et la neurodiversité : https://www.youtube.com/watch?v=yUHSOp-6t3o