En tant qu’association féministe, Le Poisson sans Bicyclette ancre son combat dans le questionnement et la déconstruction des différents systèmes de domination qui régissent notre société, à commencer par la domination masculine. Malgré un engouement grandissant pour le féminisme depuis quelques années, le mythe de « l’égalité déjà là » reste bien présent dans nos sociétés. Contrairement à ce que certain·e·s voudraient faire croire, nous sommes encore loin d’une véritable égalité des genres.
À travers le monde, y compris en Belgique, les femmes sont victimes de nombreuses violences et discriminations sexistes. Pour n’en
citer que quelques-unes :
- les féminicides
- la culture du viol
- les violences conjugales
- les inégalités salariales
- le travail domestique
- le sexisme dans l’espace public
Outre ces manifestations d’oppression liées au genre, certaines personnes cumulent des discriminations
simultanées en raison de leur appartenance à plusieurs groupes sociaux opprimés : personnes racisées, issues de la communauté LGBTQI+, appartenant aux classes populaires, en situation de handicap, grosses, … Le concept d’intersectionnalité est essentiel pour analyser les problèmes systémiques et institutionnels que rencontrent ces personnes sujettes à différents rapports de domination. Cet outil politique a été développé par Kimberlé W. Crenshaw (docteure en droit et avocate féministe américaine), afin de visibiliser l’oppression spécifique vécue par les femmes noires, victimes à la fois du racisme et du sexisme.
Quand on aborde la domination masculine, on entend souvent la voix des personnes dominées parler des
oppressions subies. Si cette expression est bien sûr nécessaire, les hommes se posent quant à eux rarement la question de leur rôle dans la des violences sexistes. Le Poisson sans Bicyclette a donc souhaité changer de perspective et interroger les oppressions du point du vue des dominants. En effet, il nous a semblé important de nous approprier la question des masculinités afin de ne pas la laisser aux seuls
masculinistes, qui portent un discours victimaire et conservateur vis-à-vis des relations femmes-hommes et de leur place dans la société. Il ne s’agit pas ici de plaindre les hommes : même si ceux-ci peuvent
subir des injonctions à se conformer aux normes associées à leur genre, ils occupent une position de domination vis-à-vis des femmes. Cette domination est notamment entretenue à travers une socialisation
des hommes qui participe, dès leur plus jeune âge, à reproduire des comportements de dominants, et
entretient ainsi le maintien de la domination masculine. Les hommes sont socialisés à être dominants et ces injonctions ont pour objectif de maintenir cette position de domination. Avec un angle d’approche résolument féministe, nous avons ainsi saisi l’opportunité donnée par equal.brussels – égalité des chances dans le cadre de son appel à projet « lutte contre le sexisme, les stéréotypes de genre et le harcèlement sexuel » pour nous intéresser à cette thématique : C’est quoi être un homme aujourd’hui ? Quels privilèges découlent de cette position dominante ? Comment prendre sa responsabilité face aux
violences sexistes ? À travers le projet « Construire une approche féministe des masculinités », nous souhaitons amener le public à se questionner sur la construction des masculinités et plus largement sur le
système de reproduction des inégalités au travers de la binarité de genre. Ce projet a abouti à la création de textes par un groupe d’hommes volontaires encadrés par Marie Leprêtre, qui ont ensuite été mis en
voix lors d’un atelier proposé par Jeanne Cousseau, ainsi que des photographies réalisées par Nora Noor
(avec la participation d’Eclipse) et Odile Keromnes. L’ensemble de ces productions converge vers une
réflexion sur ce que signifie être un homme aujourd’hui, la manière dont on se construit en tant qu’homme, les privilèges qui découlent de cette position dominante, le rôle des
hommes dans la lutte pour l’égalité de genre et pour l’élimination des violences faites aux femmes. Cela
interroge aussi les frontières entre le masculin et le féminin, et sème le trouble sur la vision binaire du genre qui prédomine dans notre société. Les stéréotypes de genre sont étroitement
liés à cette binarité, et ils entretiennent les rapports de domination entre femmes et
hommes. Nous espérons que ces productions et outil pédagogique seront utiles pour
amorcer un travail de déconstruction de ces stéréotypes et amener des hommes à prendre leur responsabilité dans la lutte contre les violences sexistes.
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