Une étude réalisée par Charlie Cottin, bénévole.e au Poisson sans bicyclette, en octobre 2024
Introduction
Lorsque le Poisson sans Bicyclette a commencé son projet sur l’(in)accessibilité dans les milieux culturels, associatifs et militants, nous avons cherché à recueillir le témoignage de personnes handicapées avec des profils divers et faisant l’expérience d’autres oppressions systémiques. Or, pour ce qui est du croisement entre situation de handicap et identité(s) sexuelle ou de genre minorisée(s), nous n’avons même pas eu à chercher activement. Iels étaient là, de base. Parmi les personnes s’exprimant sur leur situation de handicap et/ou d’exclusion que nous connaissions via les réseaux sociaux, notre cercle personnel, leur activité militante ou artistique, et que nous avons rencontrées au cours de notre projet, une majorité était aussi, de manière affichée et fière comme discrète et non-revendiquée, lesbienne, bi, trans, queer…
C’est aussi un constat que je fais personnellement, en tant que personne concernée (handicapée & queer) et impliquée depuis plusieurs années dans différents groupes de personnes autistes, neurodivergentes et psychiatrisées1, et plus largement handicapées. Le plus souvent, être handicapé·e et queer nous apparaît non comme un cumul rare d’identités / situations, mais plutôt comme une imbrication évidente et une occurrence banale. Mais dans les grands médias, les représentations majoritaires, la documentation grand public ou visant à informer le personnel éducatif, social ou de santé, nous ne semblons même pas exister. Et nos vécus, besoins et revendications de personnes handicapées et psychiatrisées ne sont que très peu pris en compte dans les milieux et mouvements LGBTQIA+ ; voire carrément rejetés.
Comment se fait-il que ce qui semble aller de soi pour beaucoup de personnes concernées semble si extraordinaire et rare à l’ensemble de la société ? Pourquoi cette hostilité spécifique à l’idée de handicap et de troubles psy dans certains milieux LGBT2 ? Qu’est-ce que les vécus et luttes LGBTQIA+ et handicapées peuvent avoir en commun et s’apporter mutuellement ?
Tout au long de cette étude, nous considérerons ensemble quelques unes des difficultés et problématiques spécifiques auxquelles font face les personnes handicapées LGBTQIA+ ; nous explorerons les points communs dans nos histoires de discriminations et de luttes et interrogerons les causes de l’oubli ou la mise à l’écart systématique des personnes handicapées ; enfin, nous proposerons d’autres manières de penser et prendre en compte ensemble les vécus marginalisés et identités stigmatisées, en remettant la question du handicap au centre des luttes.
Utilisation du sigle LGBTQIA+ et de l’adjectif queer
Le sigle LGBTQIA+ (lesbienne, gay, bi, trans, queer, intersexe, asexuel·le – ou aromantique, ou agenre – et un + pour ouvrir à d’autres possibilités d’identification) ne vise pas tant à « couvrir l’intégralité de ces réalités mais [à] définir une base commune du vécu de certains citoyen·nes dont la sexualité, l’identité, la corporalité ou l’expression physique ne correspond(ent) pas aux normes hétérosexuelles, cisgenre, dyadique ou communément admises en termes de stéréotypes de genre comme faisant partie de la majorité. » ✷ Ce sigle est actuellement communément utilisé en Belgique mais aussi à l’internationale pour la représentation de revendications et problématiques communes. Nous emploierons majoritairement dans cette étude ce sigle dans ce sens-là, en englobant une diversités d’identités et vécus non-cishétéronormatifs, tout en admettant que les appellations spécifiques et leurs significations varient selon les époques, les contextes, l’usage personnel. Cela dit, notre emploi du sigle se limitera à LGBT+ ou LGBT, parfois même LGB, lorsqu’il est particulièrement clair que la réalité qu’on désigne (une communauté, un lieu, des études sur une population) ou la période historique dont on parle ne prend pas en compte certaines identités/situations.
L’adjectif « queer », lui, quoiqu’intégré au sigle, a aussi ses propres significations – il peut servir de terme parapluie, ou de terme désignant des identités et vécus non cishétéronormatifs qui ne se retrouvent pas ou refusent de se retrouver dans des cases précises. C’est à la base un terme subversif, chargé politiquement, et nous tenterons ainsi de ne pas l’utiliser comme simple synonyme de LGBT+.
✷ https://epicentre.brussels/question/pourquoi-tant-de-lettres/
Sommaire
Introduction
- Les impensés et les obstacles à la variété des vécus sexuels, relationnels et de genre des personnes handicapées
1.1. Possibilités d’identification et d’épanouissement
La désexu(alis)ation des personnes handicapées
L’intériorisation de l’idéal valide
La crainte de confirmer des stéréotypes
La liberté trouvée dans la marginalité
1.2. Difficultés et spécificités des vécus des personnes handicapées et LGBTQIA+
Violences, exclusions et discriminations
Obstacles institutionnels et du quotidien
Des compétences spécifiques - Heurts au sein de la communauté LGBTQ 2.1.Inaccessibilité
Inaccessibilité des milieux LGBT+ mainstream
Validisme et psychophobie dans les milieux LGBT+
2.2. Une communauté pourtant particulièrement concernée
Questions de santé dans la communauté LGBTQIA+
Traumatismes communautaires : remplacer la concurrence par la convergence - Déviant·es, dégénéré·es, malades ou criminel·les : des histoires et luttes communes 3.1. Marginalisation et répression
Les minorités sexuelles et de genre, des groupes sociaux discriminés parmi d’autres
Les sciences au service d’une nouvelle organisation sociale et économique Pathologiser la déviance
La recherche de l’humain parfait : eugénisme et crimes de masse
Continuité et renforcement de la normativité : les travers de l’approche médicale
3.2. Résistances et luttes pour les droits
Les mouvements sociaux
Retournement du stigmate et marches des fiertés
Diversité, divergences et convergences
La tentation de l’assimilation
3.3. La place des personnes intersexes dans les luttes queer et antivalidistes - Sortir d’une norme unique Utilité et limites des catégorisations Du queer au crip : une pensée profondément subversive Remettre en question la norme valide
- Partir des marges pour mener les luttes
Changer de paradigme
Enrichir nos imaginaires
Porter des revendications communes - Conclusion
- Bibliographie
1. Les impensés et les obstacles à la variété des vécus sexuels, relationnels et de genre des personnes handicapées3
Commençons par ce constat : les personnes handicapées LGBT+ existent. Mais ce n’est pas quelque chose qui semble facilement concevable, si on se fie aux représentations qu’on voit – ou que, justement, on ne voit pas – dans les médias et la fiction, l’étonnement dont font part nos proches ou les professionnel·les de santé, l’absence de prise en compte de questions d’accessibilité dans les lieux et événements LGBT+, et le manque d’informations sur la diversité des orientations sexuelles et des identités de genre dans la documentation et les services destinés aux personnes handicapées.
Alors, oui, il y a le fait d’appartenir à plusieurs « minorités » – pourtant pas si minoritaires que ça, si on considère qu’au minimum 15 à 20% de la population générale est en situation de handicap4, que 8% de la population générale s’identifie comme homo/bi/ou pansexuel5, et 1 à 3% de la population générale comme transgenre6. C’est vrai, il y a déjà très peu de prise en compte et de représentations de personnes handicapées, et surtout de la variété des conditions et situations de vie qui se retrouvent sous ce terme. Quand elles sont visibles ou audibles dans les médias dominants, la fiction grand public, la politique, c’est alors souvent sous cette étiquette : « en situation de handicap », sans prise en compte de la coexistence et l’interaction de différentes facettes de l’identité et de la situation de vie de la personne. On préférera, d’ailleurs, mettre en avant les personnes handicapées qui ne cumulent pas trop d’éléments potentiellement perturbateurs de l’image unifiée, stéréotypée, qu’on s’en est faite.
De quoi parle-t-on quand on parle de handicap ?
Lorsque nous parlons de handicap, c’est pour désigner l’expérience de limitations dans les activités et la participation à la vie en société, limitations qui résultent de l’interaction entre les capacités d’un individu et les caractéristiques de son environnement. Le vécu du handicap et les limitations varient énormément pas seulement selon le diagnostic médical associé ou “type” de handicap, mais selon le contexte dans lequel on vit, les conditions matérielles d’existence, le lien avec d’autres paramètres sociaux, dans quel contexte on a grandi, quand s’est développé ou est survenu le handicap, etc.
Lorsque nous parlons dans cette étude de personnes handicapées en général, cela inclut les personnes sourdes et malentendantes, aveugles et malvoyantes, autistes, souffrant de troubles psychiques, d’addictions, et de maladies chroniques, même si une partie d’entre elles ne sont pas reconnues administrativement comme handicapées ou ne se reconnaissant pas elles-mêmes dans le terme “handicapé”.
Lorsque nous parlons de personnes et de leur corps-esprit comme “handicapés”, ce n’est pas sous un prisme naturalisant et essentialisant : cela vise à décrire la lecture sociale qui est faite de ces corps-esprits dans un contexte donné, et donc la position sociale qu’ils occupent. Notre usage de l’adjectif “handicapé·e” n’a pas de valeur péjorative, cependant il décrit effectivement des positions sociales défavorables.
Nous emploierons aussi les adjectifs “neurodivergent·e” (qui ne correspond pas à la norme de fonctionnement neurocognitif, par exemple personnes autistes, dyslexiques, avec un TDAH, un handicap intellectuel, mais aussi selon les auto-définitions personnes schizophrènes, vivant avec un syndrome de stress post-traumatique complexe, des TOCs, etc.), “psychiatrisé·e” (dont le vécu et l’identité ont été définis et impactés par la psychiatrie), et “fou / folle” (marqueur d’identité réapproprié et revendiqué par des personnes psychiatrisées / neurodivergentes / ayant des troubles psy, parfois sous la forme épicène “fol”), et parfois un “et/ou” entre ces termes et le terme handicapé : parce que ce sont, dans l’histoire, le vécu des personnes concernées, et les luttes militantes, des groupes et identifications qui ne se rejoignent pas forcément. Lorsque nous citons des personnes, nous utilisons les termes qu’elles s’appliquent à elles-mêmes.
Les problématiques abordées dans cette étude contribuent aussi à questionner les définitions, les limites des catégories, ainsi que la vision (médicale versus sociale et politique, par exemple) que l’on a du handicap, et les valeurs qu’on y associe ; ainsi la signification des termes pourra varier.
1.1. Possibilités d’identification et d’épanouissement
La désexu(alis)ation des personnes handicapées
Il ne s’agit, en réalité, pas que d’être minoritaire en nombre. Le fait de ne pas pouvoir se représenter et être représenté·e avec nos genres et nos orientations sexuelles, romantiques, relationnelles diverses est aussi, avant tout, lié au traitement réservé aux personnes handicapées, qui ne sont pas pensées comme des êtres sexués et sexuels. Il apparaît souvent comme une évidence non-questionnée que les personnes handicapées, surtout avec un handicap physique visible, les personnes autistes ou les personnes avec une déficience intellectuelle, ne pourraient pas être sujettes, réceptrices et actrices de désir sexuel ni amoureux. C’est une part de l’infantilisation7 voire la déshumanisation (qu’elle s’exprime sous forme de peur et dégoût, en reléguant du côté du monstre, ou sous forme d’idéalisation, voyant la personne comme un ange, un être pur, désincarné, pas de ce monde) que vivent beaucoup de personnes handicapées. Se questionner sur sa sexualité, pour quoi faire, si on ne sera jamais désiré·e ?
« J’avais rendez-vous avec une infirmière pour une visite médicale. J’avais entendu par les autres élèves que l’infirmière commençait à informer sur la sexualité et les MST. Je me suis donc attendue, moi aussi à avoir droit à ce discours : que nenni. Durant l’entretien, elle s’est contentée de me parler de mon handicap, et des aménagements auxquels j’avais droit. À la fin de la visite, j’avouais vouloir des renseignements à propos de la sexualité. L’infirmière m’a alors regardée avec pitié et m’a déclaré : « je veux bien, mais je ne suis pas sûre que ça te servirait à grand-chose », en fixant ma jambe. » (Marie, lesbienne et hémiplégique, co-fondatrice de l’association Handi-queer8)
Ainsi, les questionnements identitaires, la curiosité sexuelle, le désir de rencontres et expériences, l’envie d’expérimenter, sont bien davantage freinés et réprimés chez les adolescent·es handicapé·es, et cette répression perdure jusqu’à l’âge adulte pour celleux qui sont institutionnalisé·es 9ou particulièrement dépendant·es de leur famille et d’aides à domicile. Parallèlement, les personnes handicapées font aussi l’objet de soupçon de perversité et de déviance. Et si c’est la sexualité en général qui est souvent contrôlée, les orientations homosexuelles, bisexuelles ou pansexuelles sont bien davantage réprimées. Quand l’intérêt affectif d’une personne handicapée est soutenu, c’est davantage dans une optique pragmatique, surtout pour les hommes (avoir une femme valide qui pourra s’occuper d’eux), et/ou d’après un narratif romantique platonique, en tous les cas dans une perspective hétéronormée.
L’éducation à la vie sexuelle et affective est déjà moins dispensée dans les institutions ou dans l’accompagnement de personnes avec un handicap intellectuel, en raison de stéréotypes prégnants, de réticences idéologiques, et de manque de moyens10. La conception de documentation, formation, ateliers, s’appuie davantage sur le travail de psychologues, médecin·es et éducateur·ices que sur l’expérience des premier·es concerné·es. Les personnes ou associations qui se battent pour une meilleure éducation sexuelle font un super travail, mais sont aussi imprégnées de la norme hétéro et cisgenre, et ne pensent pas forcément à intégrer dès le départ, de manière égale, l’information sur la diversité des orientations sexuelles, des genres, des modes relationnels11.
Lorsqu’on est, dans son parcours de vie, d’abord identifié·e comme handicapé·e (versus développer plus tard une condition handicapante, vivre un accident, ou avoir un diagnostic tardif de maladie chronique ou de neurodivergence), il est fréquent que soit renvoyé uniquement au handicap l’expression d’un ressenti de genre qui diffère de celui assigné, ou l’expression d’un malaise lié à son corps et à la manière dont on nous perçoit socialement. Que ce soit, encore une fois, parce qu’il semble évident pour le regard valide qu’avoir un corps différent soit source d’insatisfaction ; parce qu’on considère que les personnes handicapées – surtout celles avec des capacités cognitives différentes – ne sont pas capables de faire la différence et d’identifier et nommer ce qu’elles ressentent ; parce qu’on considère qu’il s’agit d’un souci secondaire, moins important que celui du handicap, comme si une personne se limitait à un aspect.
Et vu que la documentation accessible à différents handicaps sensoriels et cognitifs (écrits en langage simplifié, imprimés en braille, sous forme de vidéos en langue des signes, mais aussi diffusée auprès des publics handicapés), ainsi que les représentations en général sont rares, pour ne pas dire inexistantes, il est effectivement difficile de réfléchir et échanger sur ces sujets. Même pour une personne handicapée intégrée dès le plus jeune âge, scolarisée en milieu ordinaire, qui a un groupe d’ami·es valides, qui admire les mêmes pop-stars et regarde les séries et dessins animés de sa génération, a accès à de la documentation toujours plus foisonnante et inclusive sur les questions de sexualité, le fait d’être avant tout vue et catégorisée comme handicapée, comme s’il s’agissait d’un genre à part ou d’un non-genre, rend difficile de se projeter dans des perspectives de désir, séduction, relations sexuelles/romantiques, ou une affirmation de son identité de genre. Céline Extenso, une des fondatrices du collectif handiféministe Les Dévalideuses, en réfléchissant à sa féminité et à sa place dans les luttes féministes, relate ainsi :
« Mon genre est juste : non pertinent, erreur 404. Chercher à m’y positionner est vain. Je ne suis pas genrée, ou si peu, je suis avant tout : handi. Handi n’est pas non plus mon genre, soyons sérieux, handi est une identité qui me prive de genre. »12
L’intériorisation de l’idéal valide
Par ailleurs, on intériorise comme tout le monde les normes sociales, et ce qui est censé représenter le normal, le beau et le bien. Sans que ce soit forcément conscient, on cherche toustes plus ou moins à se conformer à ce qui est valorisé, afin d’être accepté·e par le groupe. Toutes les personnes handicapées, que le handicap soit visible ou non, identifié ou non, ont adopté au cours de leur vie des stratégies de compensation et camouflage de leur différence, à des degrés divers : beaucoup d’autistes « masquent » en cherchant à apprendre et appliquer les codes sociaux neurotypiques ; des personnes avec des douleurs chroniques et difficultés motrices forcent tant que possible pour marcher sur deux jambes et se tenir droites ; des personnes sourdes s’épuisent à lire sur les lèvres et reconstruire mentalement des énoncés incomplets, pour s’adapter à leur interlocuteur·ice entendant·e ; on cache notre fatigue chronique en vivant les crises et effondrements seul·es. Or, chercher à ressembler le plus possible à une personne valide, c’est aussi se conformer à une féminité, une masculinité, une vie affective et sexuelle « normales », c’est-à-dire cisgenre, binaire, hétérosexuelle, monogame. Selon leur milieu social et contexte culturel, la contrainte peut être plus forte pour les femmes, et on peut d’autant plus chercher à se conformer à une féminité « normale » que l’on en est exclue par ailleurs. Ainsi beaucoup de femmes handicapées et personnes trans/non-binaires assignées femme à la naissance témoignent de n’avoir pas pu imaginer se poser la question d’être bisexuelles ou lesbiennes, se poser des questions sur leur identité de genre, ou même juste explorer quels style vestimentaire et expression de genre leur conviendraient, tant le besoin de se conformer tant que possible aux normes de la féminité hégémonique (donc valide, blanche, hétérosexuelle) était prégnant, voire vital en termes d’acceptation sociale et d’estime de soi.
« J’ai mis beaucoup, beaucoup, beaucoup, beaucoup de temps, à m’en rendre compte. [qu’iel était queer, non-hétéro, non-cis] […] Pour moi c’est assez logique en fait en tant que personne handi, d’avoir mis autant de temps. […] Il a fallu que je me batte plus que les valides, pour être à peu près considéré. Et donc pendant des années j’ai vachement performé. […] J’ai voulu vraiment me conformer à ce modèle là qu’on nous impose. D’être le plus, d’apparence valide possible, le plus cis possible, le plus hétéro possible… » (Morgan·e, podcast H comme Handicapé·e·s, 2021)13
Du côté des hommes, les normes valides peuvent aussi être intériorisées, rendant plus honteux ou difficilement imaginable d’être un homme gay (que ce soit par peur de paraître efféminé alors que le handicap « dévirilise » déjà,14 ou parce que certaines représentations que l’on a d’hommes gays montrent des corps forts et musclés). Ça peut être encore plus difficile de s’imaginer une transition de genre vers une masculinité qui nous paraît de toutes façons pas atteignable, comme en a témoigné par exemple plusieurs fois Alistair, youtubeur et auteur de théâtre trans, autiste, handicapé :
« J’ai commencé ma transition sociale y’a plus de cinq ans et j’ai commencé ma transition médicale y’a un an, et le l’écart entre ces deux choses-là, pour moi, est aussi beaucoup lié au fait que j’avais pas l’impression qu’une masculinité vraiment masculine entre guillemets, elle m’était accessible de toutes façons. […] J’avais l’impression que la seule masculinité qui m’était accessible, c’était une masculinité assez douce, assez enfantine […] J’avais pas envie de me poser la question de est-ce que j’aurais envie d’une autre forme de masculinité, parce que comme j’avais l’impression que de toutes façons, la réponse ce serait : ok mais c’est pas possible, c’était plus douloureux qu’autre chose de se demander si j’en avais envie. »(Alistair, podcast H comme Handicapé·e·s, 2022)15
La crainte de confirmer des stéréotypes
Enfin, certaines identités peuvent être plus difficiles à endosser que d’autres, parce qu’elles semblent confirmer les stéréotypes néfastes attribués aux personnes handicapées. Si je n’ai pas tout de suite ajouté le A de « asexuel·le », « aromantique » ou « agenre » au début de cette partie, c’est parce que ce sont souvent des impensés déjà dans les communautés LGBT+16, et parce que ce sont des orientations / identités déjà assignées en soi aux personnes handicapées – mais sans que ce soit pensé comme des orientations / identités, juste comme une caractéristique qui serait intrinsèque au handicap. Ainsi se reconnaître asexuel·le – par exemple – peut être encore plus difficile pour une personne avec un handicap physique et/ou une personne autiste, parce que cela « trahit » les revendications de militant·es handicapé·es / autistes revendiquant leur groupe comme doté de désirs sexuels. Et puis, les représentations traditionnelles de l’asexualité (dans la fiction par exemple) en ont fait pendant longtemps soit une pathologie à réhabiliter, soit un élément signalant le caractère non-humain ou criminel (ou les deux) du personnage. Les personnes handicapées, autistes comprises, étant souvent déjà reléguées du côté du non-humain, associées à la figure du monstre, de l’alien ou du robot, il peut être particulièrement difficile de se réapproprier une identité qui n’a jusque-là pas été bien représentée, et qui nous est souvent assignée de force comme une forme de déshumanisation.17
La liberté trouvée dans la marginalité
Inversement (et parfois en même temps, parce que les parcours de conscience, acceptation et affirmation de soi sont complexes et nuancés), être handicapé·e et/ou neurodivergent·e, c’est-à-dire déjà à la marge du normal, peut faciliter la conscience et l’acceptation de son orientation sexuelle ou identité de genre non hétéro-cis.
Parmi les personnes autistes – même pour celles et ceux qui n’ont pas le vocabulaire spécifique –, si l’on pose la question de l’identification à leur catégorie de genre assignée, une grande partie répondront qu’elles ne comprennent pas vraiment, qu’elles s’en fichent, qu’elles perçoivent juste ça comme une règle sociale de plus18. Certaines hypothèses scientifiques19 pour la très grande proportion de personnes s’identifiant comme transgenre, non-binaire, agenre, genderfluid ou non-conforme en termes de genre parmi les autistes (ou, inversement, le fait qu’il y ait plus d’autistes parmi les personnes trans), ainsi que la proportion plus grande que dans une population non-autiste d’orientations sexuelles non-hétéro, c’est justement qu’on a un rapport différent aux normes sociales – surtout celles implicites, comme les normes de genre, qu’on perçoit parfois moins que nos pairs non-autistes. Mais le réflexe premier de la communauté scientifique a été – sans prendre le temps d’aller interroger les personnes concernées, évidemment – d’en faire un trait pathologique de plus. Ce chevauchement de populations a aussi été récupéré par les discours transphobes, qui considèrent les personnes autistes comme vulnérables à l’influence d’une « idéologie trans ». En conséquence, beaucoup de personnes autistes qui transitionnent cachent souvent leur autisme aux médecins par peur d’être invalidé·e, ou cachent leur homosexualité / bisexualité / relations polyamoureuses lors d’une évaluation diagnostique tardive pour l’autisme. Lorsqul’on est déjà psychiatrisé·e, être queer peut être considéré comme une marque supplémentaire de pathologie et de marginalité et nuire aux respect des droits de la personne ; et dans le cas d’une transition de genre, comme il faut encore l’accord d’un psychiatre pour un certain nombre de démarches20, le fait d’avoir un handicap psy ou neurocognitif peut fortement jouer en sa défaveur. Lorsqu’on est reçue en psychiatrie comme femme, être ouvertement bisexuelle, ou avoir des partenaires multiples, peut être un élément de pathologisation et stigmatisation supplémentaire, poussant à certains diagnostics erronés. Admettre une dysphorie de genre lorsqu’on est suivi·e ou hospitalisé·e pour troubles du comportement alimentaire ou pour délires psychotiques est plus souvent vu comme un symptôme du trouble à guérir, plutôt qu’un ressenti légitime et valide en soi, ainsi qu’un facteur de stress spécifique (tant qu’une transition n’est pas envisagée) contribuant justement au maintien de TCA ou à l’émergence de délires. Ainsi, beaucoup de personnes LGBTQA+ psychiatrisées, même très conscientes de leur identité, sont forcées de rester dans le placard tant qu’elles évoluent dans les institutions psychiatriques et sont en contact fréquent avec des psychiatres.
Ce rapport déjà flexible aux normes ne concerne pas que les autistes ou personnes neurodivergentes en général. Si pour certaines personnes handicapées, s’identifier comme non cis-hétéro peut être difficile à accepter par crainte du cumul de ces identités stigmatisées et du risque d’une plus grande marginalisation, de plus d’isolement ou de plus de violences, d’autres (ou les mêmes, parce qu’on peut avoir plusieurs sentiments contradictoires) rapportent qu’il leur a paru finalement plus facile, voire évident, de s’identifier comme queer. Entre autres témoignages, partageons celui de la philosophe et performeuse No Anger, qui raconte sa rencontre avec l’idée de queer lors d’une sortie dans un squat, qui lui permet de mieux formuler son rapport au genre en tant que personne handicapée, asio-descendante et lesbienne, souvent désexualisée et dégenrée.
« Je n’ai jamais pu me considérer comme [femme]. […] Ça tient, je crois, à mon handicap et au regard désexualisant (pas de sexualité, pas désirante/désirable, pas de sexe) que les autres portent sur le handicap. […] me dire lesbienne, en plus de resexualiser mon corps, me permet de me dire « elle » tout en ne me disant pas « femme » et d’activer une autre région dans les territoires du « elle ». »21
La rencontre avec d’autres personnes qui nous ressemblent ou le fait d’être déjà intégré·e dans un groupe de personnes dont les valeurs et pratiques sont déjà différentes et plus flexibles que la norme sociale dominante peut faciliter la découverte de soi. Pour les personnes qui se heurtent à l’inaccessibilité des espaces non-virtuels et/ou leur effacement des discussions majoritaires (personnes asexuelles, personnes intersexes), internet est un lieu de sociabilité, d’échange de savoirs et de militantisme particulièrement important. L’usage d’internet et des réseaux sociaux a permis à beaucoup de personnes de s’identifier, de se lier, et même de créer des réseaux d’entraide et de lutte, parfois spécifiquement autour du croisement de questions de handicap et des identités LGBTQIA+, comme c’est le cas de l’association française Handi-queer en 201822. Mais même sur internet persiste un manque d’accessibilité (sous-titres et transcription, description d’images, contenu en langue des signes, langage simplifié – et tout simplement traduction en français d’une documentation bien plus foisonnante en anglais), et les personnes les plus dépendantes n’auront souvent pas forcément la même liberté d’accès et la même autonomie de recherche sur internet que les personnes handicapées plus intégrées dans la société ou plus à l’aise avec l’utilisation de technologies.
1.2. Difficultés et spécificités des vécus des personnes handicapées et LGBTQIA+
Qu’on soit ou pas au clair et à l’aise avec son identité demeurent les problèmes liés à cette « double identité », qui est plutôt une double exclusion et double invisibilisation : d’un côté, les services, institutions, discours, associations autour du handicap sont très cishétéronormés, et de l’autre côté, les milieux LGBT+ sont valido-centrés, inaccessibles, et parfois spécifiquement excluants. Or, lorsqu’on appartient à une minorité discriminée, le fait de pouvoir s’identifier à une communauté, recevoir la reconnaissance de celle-ci, et bénéficier du soutien du groupe, est un facteur déterminant pour contrer les effets du stress minoritaire, qui impacte fortement la santé. C’est d’ailleurs une des hypothèses avancée pour expliquer les taux plus élevés de mauvaise santé mentale et de vulnérabilité aux violences chez les femmes bisexuelles et les personnes asexuelles (par rapport aux hétéros et lesbiennes/gays). La rencontre en personne et l’échange direct avec d’autres personnes qui vivent la même chose que nous sont aussi déterminants pour se comprendre, se définir, et combattre la honte.
Le stress minoritaire
Le stress minoritaire ou stress des minorités désigne la charge supplémentaire de stress vécue par les personnes appartenant à des minorités discriminées. Ce concept a été d’abord développé afin d’expliquer la plus grande prévalence de problèmes de santé chez les minorités sexuelles et de genre – initialement dans les travaux de Winn Kelly Brooks (1981, sur les femmes lesbiennes) et d’Illan Meyer (1995, sur les hommes gays) –, et rapidement repris pour d’autres « minorités » de nos sociétés, comme les personnes non-blanches, qui vivent des formes diverses de racisme. Le stress est une réaction physiologique normale face à un défi ou un danger, mais peut devenir nocif pour l’organisme lorsqu’il est vécu trop souvent ou sur une trop longue période. Le stress minoritaire est causé par l’exposition constante au risque de discriminations, rejet, insultes, agressions… L’absence de représentation de soi ou de représentation positive suffit aussi à engendrer cette dose de stress supplémentaire, en créant une sensation d’isolement et en alimentant l’intériorisation de stéréotypes négatifs sur soi. Cela peut avoir un impact sérieux sur la santé mentale (manque d’estime de soi, anxiété, dépression, addictions), l’intégration sociale et professionnelle, et la santé physique (risque d’hypertension, perturbations métaboliques et hormonales, maladies cardio-vasculaires, inflammations et douleurs chroniques : c’est ce qu’on appelle la charge allostatique).
Ce stress minoritaire pèse aussi énormément sur les personnes neurodivergentes, avec un handicap physique, ou encore les personnes grosses, en engendrant des conséquences similaires sur la santé mentale et physique, mais c’est moins étudié et surtout moins mis en avant, puisqu’il s’agit de groupes de personnes qu’on considère comme d’emblée « malades ».
Violences, exclusions et discriminations
De manière générale, appartenir à plusieurs groupes victimes d’oppressions systémiques, c’est faire face à plus de discriminations et violences. Pas forcément juste par cumul, mais dans l’interaction et l’imbrication des facteurs, ainsi que dans des cycles de renforcement de l’exclusion professionnelle, la précarité, l’isolement social, la dégradation de la santé, qui à leur tour mènent à plus d’exclusion, de précarité, et ainsi de suite. Il n’existe pas forcément d’études sur toutes les situations d’intersection, mais on connaît tout de même quelques tendances. En termes de violences interindividuelles, les personnes non conformes en termes de genre (LGBTQ+ ou perçues comme telles) sont plus à risque de vivre du harcèlement par les pairs dès l’âge scolaire, mais aussi des violences intrafamiliales. Le sont aussi les personnes handicapées, encore plus avec un handicap dit « invisible », ou neurodivergentes. Les femmes bisexuelles vivent davantage de violences conjugales et familiales, les femmes handicapées sont très largement touchées par les violences sexuelles23. Et avoir déjà vécu des expériences de violence à un jeune âge renforce aussi la vulnérabilité à d’autres expériences de violence, du harcèlement au travail aux violences conjugales, ou à la répétition de mêmes violences sexuelles. Le harcèlement scolaire, les maltraitances familiales, les violences sexuelles et conjugales peuvent à la fois prendre la non-conformité de genre comme prétexte aux « corrections » et punitions infligées, et s’appuyer sur la vulnérabilité de la victime liée à son handicap.
On est aussi plus à risque de vivre de l’isolement social lorsqu’on est handicapé·e, ainsi qu’une exclusion du marché de l’emploi, pas uniquement en raison du poids des préjugés individuels, mais surtout et avant tout en raison de l’inaccessibilité des lieux publics et des services (ce qui, à son tour, entretient et renforce les préjugés et le rejet interpersonnel, puisqu’on n’est pas habitué·e à voir et interagir avec des personnes différentes). Les aides financières, logistiques et humaines censées compenser la perte de revenus et/ou de capacités sont difficiles à obtenir, largement insuffisantes pour vivre dignement, et obligent aussi à entrer dans certaines cases et correspondre à une certaine image qu’on se fait d’une personne handicapée, ce qui peut désavantager les personnes visiblement queer. Les personnes neurodivergentes, avec des troubles psy, des addictions, et des maladies chroniques, sont aussi surreprésentées dans le public sans-abri, et il s’agit souvent d’une double influence (la vie à la rue et dans l’insécurité renforce les troubles, mais ce sont souvent des troubles et handicaps non soutenus qui ont mené à la rue). Les facteurs « handicap » et « identité LGBTQ+ », croisés avec un facteur racial, jouent aussi très défavorablement dans le rapport à la police et la justice.Or les études quantitatives ou qualitatives, ainsi que les mesures mises en place pour répondre à certains problèmes, prennent peu souvent en compte le cumul et l’interaction de situations de vulnérabilité. Par exemple le fait que les personnes LGBT+ font davantage face à des (craintes de) discriminations dans le domaine de l’emploi et que les personnes en situation de handicap sont, elles, majoritairement inemployées et vivent de nombreuses barrières à l’accès et au maintien d’un emploi. Des témoignages mettent en avant la pression à rester dans le placard quand on est LGBT mais déjà employé·e sous un statut précaire en raison de son handicap, ou à l’inverse la difficulté à demander des aménagements de poste et s’« outer » en tant qu’handicapé·e quand on a déjà le sentiment d’être peu intégré·e en raison de son orientation sexuelle ou de son parcours de transition de genre. La question des violences conjugales dans les couples LGB est déjà peu traitée : l’interaction avec le handicap n’est quasiment pas pensée – autre que par les personnes concernées, qui en parlent quand elles ont été en capacité de s’en sortir. Les centres d’hébergement d’urgence pour femmes victimes de violences conjugales par exemple sont rarement accessibles et adaptés à divers handicaps. Il existe même rarement de possibilité de demander des aides d’urgence (en situation de violence vécue, en crise suicidaire…) autrement que par téléphone.
Obstacles institutionnels et du quotidien
Le fait d’être handicapé·e mène aussi à des contacts plus fréquents avec les administrations et le monde médical, dont on est plus dépendant·e. Que ce soit en raison d’un besoin d’aides à la mobilité, aides humaines et aides matérielles ; de maladies chroniques à surveiller et traiter ; d’un suivi psychiatrique : il y a tout le temps des dossiers à remplir, des démarches à faire, des rendez-vous à prendre, une « mise à nu » (symbolique ou réelle) à opérer, des cases auxquelles correspondre. C’est épuisant et compliqué en soi, mais dans le cas où l’on est LGBA et/ou trans et/ou intersexe, ça expose aussi à des possibilités supplémentaires de discrimination et micro-agressions. On peut ainsi renoncer à ou repousser des démarches salutaires (changement de prénom et/ou d’état civil, transition médicale) par fatigue des démarches, peur des difficultés supplémentaires, ou encore difficulté à s’adapter à de nouveaux changements.Au-delà des (grosses) galères matérielles et des vécus traumatiques, être handicapé·e et LGBTQIA+, c’est aussi tout un tas de questions du quotidien qui ont leur importance, et qui ne sont pas prises en compte dans les discussions et documentations les plus répandues sur les identités queer, les relations sexuelles entre hommes ou entre femmes, les transitions de genre. Ainsi, sur des forums et des groupes d’échanges sur les réseaux sociaux spécifiques aux personnes handies-queer, reviennent souvent des questionnements très pratico-pratiques : sur la gestion de l’habillement et du style vestimentaire qui soient compatibles avec différentes limitations et sensibilités ; des questions administratives et médicales spécifiques au croisement de situations, auxquelles on ne trouve de réponse nulle part (interactions entre les traitements, comment vivre une hospitalisation et une opération avec tel ou tel handicap, quelle case cocher dans les formulaires quand nos configurations de vie n’y correspondent pas) ; des échanges de conseils pratiques et d’expériences sur les pratiques sexuelles (organisation, positions, risques et prévention, sextoys adaptés, communication, etc.) queer et adaptées à diverses limitations de mobilité, sensorielles ou cognitives ; des recherches de médecin·es, psychologues, praticien·nes de santé qui soient « safe » et informé·es ; l’échange de stratégies de protection et défense quant aux craintes d’être discriminé·e pour ses multiples identités et son mode de vie, que ce soit dans la parentalité, l’aide à domicile, l’aide sociale, le fait de voyager, tout.
Des compétences spécifiques
Nous avons déjà évoqué plus haut quelques « avantages », en termes de parcours d’identification personnelle ou d’évolution dans la société en tant que LGBTQIA+, que peut présenter le fait d’être déjà ou aussi handicapé·e ou neurodivergent·e. Des avantages peuvent aussi se traduire dans d’autres situations, qui au lieu d’être plus difficiles, vont finalement être perçues comme plus faciles, parce que la vie en situation de handicap a déjà apporté à la personne des compétences spécifiques, l’a déjà confrontée à certaines appréhensions, ou ne la soumet pas au même regard social. Certain·es témoignent, par exemple, dans le cadre d’une transition de genre, d’un rapport au corps moins timide, plus décomplexé : avoir déjà été confronté·e à des choix à prendre sur des médications, des opérations, des aides à la mobilité, ça fait paraître une transition médicale moins effrayante, ça désacralise le fait de porter des modifications à son corps, que l’on peut davantage considérer comme terrain d’expérimentation, de jeu, et aussi de reprise de pouvoir.
« Rentrer […] dans ce rapport médical et DIY un peu, à mon corps, ça c’est fait par le handicap et par d’autres camarades handicapés, qui m’ont vraiment nourri dans ces réflexions-là, de corps comme un terrain d’expériences et comme le fait qu’on peut rajouter des choses à son corps, comme des aides à la mobilité et des orthèses et caetera, et que c’est une manière d’utiliser son corps qui est valable et qu’il y a rien d’immoral […]. Le handicap m’a forcé à déconstruire complètement le rapport que j’avais au corps. […] Du coup je vais juste mettre les moyens et m’investir de manière active dans le fait de construire mon corps dans quelque chose qui me plaît. Et pour moi, c’était autant une question de transition que de handicap en fait. Et je vois pas une différence nécessairement stricte entre décider de prendre de la testostérone ou décider d’avoir un fauteuil roulant. »(Alistair, podcast H comme Handicapé·e·s, 2022)24
Ça peut aussi aider face aux médecin·es (quand on n’est pas bloqué·e par ses traumatismes, qu’on a pu s’outiller) que d’avoir eu à les fréquenter constamment pour le handicap : parce qu’on a davantage l’habitude de les gérer, d’y faire face ; qu’on connaît mieux ses droits, les risques, qu’on se prépare mieux à des rendez-vous qu’on craint ; qu’on apparaît plus sûr·e de soi grâce au savoir médical qu’on a acquis d’expérience. Ça peut permettre de moins craindre les procédures médicales et les opérations dans le cadre d’une transition de genre, parce qu’on a déjà eu d’autres opérations, qu’on connaît les procédures, que d’autres interventions médicales étaient plus lourdes.
Le handicap peut aussi servir – positivement – de facteur « couvrant » de son identité queer, s’il est l’élément physique ou de parcours le plus visible de l’extérieur : ne pas choquer avec un style hors-normes parce que ce sont davantage les aides à la mobilité qui sont remarquées par les gens autour ; pouvoir faire passer des traitements hormonaux, des cicatrices de masectomie ou encore le fait d’être un homme de petite taille pour des choses liées au handicap, et non à une transition masculinisante. En témoigne par exemple David, homme trans et « sur roulettes », un des fondateurs de l’association Handi-queer :
« Le handicap m’a protégé de la transphobie. […] Comme le regard des gens il est porté sur le fauteuil, […] le fait que j’aie pas un bon passing à l’époque, les gens s’en foutaient, parce que j’étais handicapé et qu’ils ont dû je pense pour la plupart penser que ça fait partie de ma pathologie. »25
Et plus largement, si on s’est débarrassé·e de l’idée de vouloir s’assimiler au modèle dominant – parce qu’il ne nous est, de toutes façons, pas accessible – on est aussi plus libre d’inventer des manières totalement différentes de faire du sexe, être en relation, faire couple, faire famille, définir sa masculinité, sa féminité, sa non-binarité, etc. Cela dit, ces « avantages » ne sont pas liés de manière essentielle au fait d’être en situation de handicap, de vulnérabilité économique, ou autrement marginalisé·e, mais découlent à la fois d’une expérience de vie et d’une possibilité de réfléchir et partager son expérience.
2. Heurts au sein de la communauté LGBTQ+
2.1. Inaccessibilité26
Inaccessibilité des milieux LGBT+ mainstream
Si on n’a pas déjà sa communauté dans laquelle on peut s’épanouir en tant que personne handicapée et queer, le premier réflexe, c’est souvent de se tourner vers l’asso LGBT+ de sa ville, vouloir faire des rencontres en soirée, participer à un événement, se nourrir de films et séries qui mettent en scène des personnes LGBT+.
Or les milieux et événements LGBT, à l’image du reste de la société, sont en majorité inaccessibles – quand on a eu la possibilité de se rendre jusque-là, ce qui n’est déjà pas le cas d’une grande partie des personnes handicapées pour qui l’inaccessibilité est avant tout dans la rue, les transports en commun, les horaires des soins à domicile, la fatigabilité, le manque d’argent, la honte de soi. Les premières barrières à l’accessibilité, ça peut être des marches à l’entrée, ou pour l’accès aux toilettes ; des sièges et des passages trop étroits ; des conférences et débats organisés sans interprétation en langue des signes ; des films projetés sans sous-titres ni audiodescription ; et l’information là-dessus qui est rarement donnée dans les descriptifs d’événements ou pages internet des lieux27. L’inaccessibilité physique peut même être davantage marquée dans ces lieux, souvent pour des raisons historiques : le fait d’avoir dû vivre dans la clandestinité, sous le risque d’être arrêté par la police, avec peu de moyens financiers en tant que communauté, a contraint à des endroits mal aménagés, insalubres, cachés, souvent aussi dans des quartiers autrefois délabrés, aujourd’hui historiques et donc moins faciles à réaménager.
Les types d’événements majoritaires pour le milieu LGBT sont aussi, en soi, excluants pour beaucoup de personnes handicapées (ainsi que pour les adolescent·es) : il s’agit avant tout d’activités nocturnes, de fêtes et concerts, de rencontres à caractère sexuel. Il s’agit aussi d’habitudes formées par l’histoire de répression des personnes homosexuelles et non-conformes en termes de genre, mais qui ont fini par représenter une majorité de la « culture LGBT ». Or les horaires tardifs voire nocturnes des événements sont rédhibitoires pour beaucoup de personnes handicapées qui vivent avec une fatigabilité accrue, sont dépendantes d’horaires restrictifs de transports spécialisés, ont certains soins à effectuer à certaines heures. Le fait que les lieux soient bruyants, exigus, surchargés de foule, sombres et en même temps éclairés par des flashs lumineux violents peut poser problème aux personnes sourdes qui ont besoin de lire sur les lèvres ; aux personnes hypersensibles à la lumière, au bruit, à la chaleur ; aux personnes anxieuses dans la foule ; aux personnes malvoyantes qui s’orientent grâce à leur perception de la lumière et des contrastes. Les aménagements des bars et les contextes de fête impliquent aussi qu’on reste beaucoup debout, et n’offrent que peu d’assises, étroites et/ou surélevées ; les pistes de danse ne sont pas souvent adaptées à la présence et au mouvement de personnes en fauteuil roulant ; les codes sociaux implicites de l’échange et de la drague, la foule, le bruit, rendent difficile aux personnes autistes (entre autres) d’engager une conversation dans un bar. Ce ne sont ici que quelques exemples des nombreux freins à la fréquentation de lieux de fête LGBT+.
La culture de l’alcool ainsi que l’incitation à la prise de drogues récréatives, spécialement forte dans certains milieux LGBT, est aussi un frein à l’intégration de nombre de personnes malades chroniques / handicapées, ainsi que pour les personnes mineures. Encore une fois, il y a un contexte historique spécifique à ce lien si fort entre culture de l’alcool et milieux LGBT28, ainsi qu’une raison psychosociale toute simple : boire permet à la fois de se désinhiber et donc d’oser plus facilement ce qui nous fait peur, ou de réduire l’anxiété liée à la honte intériorisée et de se déresponsabiliser de comportements et attitudes adoptées sous l’effet de l’ivresse.
Les marches des fiertés ou Pride, même quand elles sont officiellement annoncées comme se voulant accessibles et inclusives comme c’est le cas de plus en plus d’entre elles ces dernières années, restent encore difficile d’accès pour les personnes handicapées – qu’elles soient à mobilité réduite ou autre –, du fait du principe même et parcours de l’événement, de l’impensé de la gestion de la foule et du bruit, du manque de formation et des comportements validistes non-conscientisés des personnes chargées le jour J de l’encadrement29.
Plus subtile mais tout aussi violente, l’exclusion des personnes handicapées s’opère déjà dans le fait qu’elles ne sont tout simplement pas pensées comme membres potentiel·les de la communauté LGBT – ou alors comme membres accessoires, pour qui l’effort ne vaut pas vraiment la peine.
« La plupart du temps quand on commence à en parler, on nous répond : “Ce n’est pas dans la culture queer, c’est comme ça”. Alors qu’on ne demande pas du tout à ce que les bars soient fermés. On voudrait que d’autres endroits, adaptés à nos handicaps, soient ouverts. […] On m’a dit que ce n’était pas le plus urgent, pas la priorité. » (« Paule », interviewée pour Têtu en 2020)30
Alors que la crise du Covid-19, avec la sévérité de la première année de pandémie ainsi que des mesures de prévention mises en place, a forcé la population générale à faire l’expérience de ce qui est le quotidien de beaucoup de personnes handicapées (restriction de liberté de mouvement, isolement social, plus d’accès physique aux loisirs, augmentation de l’anxiété et de la charge mentale, etc.) et a permis subitement de mettre en place des mesures de précaution et alternatives depuis longtemps demandées par les personnes handicapées, la communauté handicapée a été particulièrement choquée et révoltée de voir qu’une fois « le pire » (pour les personnes les moins vulnérables) passé, la majorité des associations LGBT revenaient à « la normale » et laissaient de côté les plus vulnérables, en organisant à nouveau marches des fiertés et événements sans masque, sans distanciation et autres mesures barrières, en ne poursuivant pas l’offre alternative d’assister et participer à des événements, discussions et réunions à distance.
La Belgique et ses grandes villes ne sont pas les moins bien dotées en diversité de lieux, activités, associations LGBTQIA+, loin de là ! Les communautés et lieux de rencontres d’abord homosexuel·les ont été plus communs et multiples dès les années 1950, alors même qu’une plus grande répression morale et juridique avait cours à cette période. L’avancée dans les droits des personnes LGBT s’est faite en Belgique bien avant la plupart des pays européens, ce qui, en plus de la diversité culturelle, de communautés, de langues, peut aussi expliquer l’offre plus riche et plus « normalisée » d’activités et de communautés. Mais ce n’est pas non plus suffisant… Les prises en compte de l’accessibilité se multiplient depuis quelques années, et sont toujours plus constitutives des petites initiatives indépendantes. Mais la situation demeure très inégalitaire, certes pire dans d’autres pays ou dans les territoires moins urbanisés, mais aussi à Bruxelles. Et surtout, les améliorations récentes n’effacent pas subitement le vécu d’exclusion de nombreuses personnes handicapées et queer, qui pourront avoir des difficultés à retenter l’expérience. D’ailleurs, plus largement que les barrières physiques à l’accessibilité, il faut noter que les attitudes hostiles et les préjugés discriminants envers les personnes handicapées, y compris celles souffrant de troubles psychiques, sont encore très présentes dans les milieux LGBT+.
Validisme et psychophobie dans les milieux LGBT+
Encore une fois, c’est d’abord à l’image du reste de la société : le validisme31 est tellement omniprésent et structurant dans notre société, nos manières de penser et nos manières de faire, qu’on ne se rend pas forcément compte de ce qui peut être excluant, franchement violent, ou contribuer à un environnement hostile pour une personne handicapée et/ou psychiatrisée.
« Dans notre propre communauté, censée être inclusive, en cas de fait divers, les gens qualifient les agresseurs LGBTIphobes de “fou”, de “débile” ou d’”attardé”. Ça part d’une bonne intention, celle de dénoncer des violences. Mais ces termes renvoient à la psychiatrie. Alors que ce ne sont pas des personnes malades mentales, bipolaires, schizophrènes, autistes qui vont nous agresser dans la rue. » (« Paule » pour Têtu)
Attitudes et discours ouvertement validistes et psychophobes32 sont parfois d’autant plus marqués dans le milieu LGBTQ+ que la pathologisation et psychiatrisation33 ont servi de justification à l’exclusion et aux maltraitances ; et d’autant plus violents à recevoir pour les personnes handicapées / folles / neurodivergentes qu’on s’imagine souvent naïvement qu’une communauté déjà marginalisée et discriminée, a fortiori partageant une même histoire de pathologisation, se montrera plus accueillante de la différence et plus solidaire des autres luttes sociales.
Le milieu gay masculin, que ce soit dans les bars ou sur les applis de rencontres, est par exemple particulièrement connu pour être excluant et survaloriser un type de corps : jeune, hypermusclé, soigné et correspondant à une certaine idée de la virilité, ce qui exclut les hommes gros (dont certains ont créé une sous-communauté, mais avec ses propres normes et codes potentiellement excluants) comme les hommes handicapés et/ou autistes qui ont un corps, des capacités et une gestuelle différente ; les hommes non-blancs sont aussi victimes soit de rejet, soit d’exotisation et fétichisation. L’idéal de corps masculin gay musclé, jeune et en bonne santé s’est aussi en partie renforcé et généralisé à partir des années 1990, en réaction à la crainte du SIDA, pour se distancier de l’image d’un corps malade, maigre, faible, porteur d’un virus stigmatisé et à l’époque mortel. Plus directement, des préjugés négatifs, craintes et attitudes de rejet envers les personnes séropositives ou soupçonnées de l’être sont aussi encore bien présents. Dans les milieux queer en général, le besoin de protéger et revendiquer des codes culturels et sexuels stigmatisés peut mener à une intolérance marquée envers qui ne vit pas sa queerness selon les mêmes codes, où dont on confond les besoins d’accessibilité (boissons non-alcoolisées, avertissements de contenu pour des contenus sexuels explicites, environnement calme, distance physique) avec une attitude puritaine et jugeante.
Dans les échanges interpersonnels, lors d’occasions de rencontres, ou dans les couples, les croyances en particulier sur la folie, les neurodivergences, les handicaps mentaux, s’expriment de manière très décomplexée et violente, tout en condamnant au silence la plupart des personnes touchées par ce (psy)validisme, dans la honte de leur handicap, le doute de leur légitimité, et/ou la peur de desservir la communauté si elles parlent. La psychophobie est surtout frappante dans les discours, slogans, attitudes, qui visent initialement à défendre toute pathologisation et donc médicalisation des identités LGBTQA+34 – ce qui est évidemment juste et nécessaire – mais qui le font selon des stratégies de lutte, des discours ou des formulations qui, au final, visent surtout à marquer une séparation entre « sain·es » et « malades » ou « fous·folles ». Défendre que les personnes LGBTQA ne sont pas « malades mentales » ou ne devraient pas être traitées comme le sont ces « malades », militer pour une dépathologisation et dépsychiatrisation de la transidentité en défendant une définition unique et rigide de ce qui serait une identité de genre valable, c’est d’une part renier une grande partie de la communauté – oui, il y a beaucoup de personnes trans qui SONT « malades mentales » –, suggérer qu’il y a des transidentités plus légitimes que d’autres – qu’être fol et trans revient, finalement, à ne pas véritablement être trans –, et surtout renforcer l’idée qu’il y a des états mentaux et des capacités cognitives qui justifieraient d’être maltraité·e et privé·e du droit à l’autodétermination. Il y a beaucoup de méconnaissance et d’idées préconçues, profondément ancrées dans les esprits, auxquelles répondre pour permettre à la communauté d’avancer sur ces sujets sans qu’elles aient à « jeter les fols sous le bus » – pour reprendre une expression chère à l’auteur non-binaire et fol Dandelion35. En attendant, ces attitudes hostiles sont bien présentes, privent les personnes LGBT+ handies/folles d’une communauté de soutien, et privent les personnes LGBT+ valides d’occasions de rencontres qui ébranleraient leurs préjugés.
« Selon la psychiatrie, mon identité de genre est donc non légitime, un problème à résoudre, à soigner. Et du côté des communautés trans… comme elles militent à ce qu’on sépare bien transidentité et maladie mentale / folie, je fais tâche. Il n’y a pas de place pour mon histoire. Et les quelques fois où j’ai voulu trouver de l’aide / des réponses auprès de ces communautés, je l’ai payé cher. On m’a notamment expliqué que mon identité de genre était une insulte à toute la communauté trans et qu’il y en avait marre des imposteurs dans mon genre qui donnent une mauvaise image de la transidentité, que la transidentité n’était pas un costume à revêtir quand on s’ennuie et qu’il y a vraiment des gens qui souffrent, etc etc et j’en passe et des meilleures. J’ai laissé tomber. Je suis seul avec ma souffrance et mes questions. Parce qu’il n’y a pas de place pour mes mots, pour mon histoire. Nulle part. Pas même parmi les gens qui devraient m’accueillir à bras ouverts. » (Dandelion, 2020)36
Le (psy)validisme des groupes LGBTQA+ qui se disent engagés politiquement (ainsi que des milieux féministes mainstream), c’est aussi, en creux, l’absence de soutien aux luttes handies, l’ignorance de (et le manque de motivation à s’instruire sur) nos histoires et nos revendications, ainsi que le double standard appliqué pour des questions qui nous concernent toustes – le droit à l’autodétermination et à l’autonomie corporelle, notamment, et spécifiquement vis-à-vis de la mainmise médicale sur nos existences.
2.2. Une communauté pourtant particulièrement concernée
Bien sûr, il est aussi artificiel de parler de « communauté LGBT+ » comme s’il s’agissait d’un tout homogène. Il existe même des tas de petits groupes et initiatives qui s’efforcent d’être réellement inclusives, parce que formées d’individus multi-marginalisés – nous y reviendrons en dernière partie de cette étude. Mais cette « culture LGBT » qu’on a souvent en tête et à laquelle on se heurte en premier lieu, c’est celle qui est la plus visible – c’est le récit des luttes et les codes culturels qui ont pris le pas sur les autres, ce sont les associations et les porte-paroles qui s’institutionnalisent et sont les plus soutenues financièrement et médiatisées. Comme nous l’explorerons plus loin dans cette étude, c’est justement un effet du système qui cherche à se maintenir en place que de conserver les groupes séparés, créer des catégories perçues comme monolithiques, homogènes, aux contours fixes et nets. Le rejet ou l’invisibilisation de vécus complexes et nuancés, qui se situent à l’intersection de plusieurs identités sociales opprimées, qui remettent en question les définitions et contours clairs et figés d’identités LGBTQIA+, ou qui viendraient « confirmer des stéréotypes », est une stratégie souvent non-consciente pour mieux se faire entendre des groupes et pouvoirs dominants. Mais en refusant la complexité et la fluidité du réel, on ne fait que repousser la libération commune, et on laisse finalement une majorité de gens sur le côté. Une majorité, parce que les questions de handicap concernent en fait tous les êtres humains – mais aussi une majorité parce que, oui, l’intersection entre le groupe « handicapé » et le groupe « LGBTQIA+ » est particulièrement importante.
« S’il y a des personnes queer valides qui nous écoutent il faut vraiment qu’elles comprennent qu’elles perdent des adelphes37. » (Hermine, à propos d’inaccessibilité et de rejet des queers handicapés – podcast H comme Handicapé·e·s)38
Une étude de Human Rights Campaign (États-Unis, 2020) a rapporté que plus d’un tiers (36%) d’adultes LGBTQ+ déclaraient avoir un handicap, contre un quart (24%) d’adultes cisgenres et hétéros. Plus de la moitié (52%) d’adultes transgenres (hétéros ou LGB), contre un tiers (35%) d’adultes LGB cisgenres39. C’est vrai aussi dans l’autre sens : outre le cas spécifique des personnes autistes, des études ou recensements à plus petite échelle sur des personnes handicapées en général (tout handicap confondu) ainsi que les observations de nombreuses personnes handicapées & LGBTQIA+ quant à leur entourage et communautés, laissent penser qu’il y a parmi les personnes handicapées un plus grand pourcentage d’identification à des identités LGBTQIA+ que dans la population dite valide40.
Questions de santé dans la communauté LGBTQIA+
La question du handicap est aussi ancrée spécifiquement dans la communauté LGBTQ+, que ce soit en raison de son histoire de médicalisation et psychiatrisation – à laquelle nous reviendrons dans la partie suivante –, la grande prévalence de troubles psy et addictions, ou encore l’histoire et l’actualité du VIH/SIDA.
En effet, parmi les handicaps acquis ou qui se développent au cours de la vie (une majorité des situations de handicap), une bonne partie est due à la souffrance psychique, aux violences vécues41 et aux mauvaises conditions de vie. Or les personnes LGBTQIA+ sont bien plus touchées par des problèmes de santé mentale dont l’anxiété généralisée, les troubles du comportement alimentaire, le risque de suicide, l’alcoolisme et l’addiction à d’autres substances, en raison de la stigmatisation ambiante et des violences vécues. Ces troubles qui expriment une souffrance et permettent de gérer l’insécurité, l’exclusion, le rejet de son identité, les traumatismes, constituent en soi des situations de handicap lorsqu’ils se chronicisent, et impactent aussi la santé physique, parfois irrémédiablement. Les personnes LGBTQIA+ sont aussi susceptibles d’être moins bien soignées : parce qu’elles ont moins recours aux soins de santé par peur de la discrimination ; parce qu’elles ne se sentent pas concernées par les messages de prévention et/ou que les médecins ignorent que certaines problématiques touchent aussi ce public ou le touchent de manière spécifique ; et parce que le personnel médical peut moins bien accueillir, suivre et soigner, que ce soit en raison de biais inconscients, de manque de connaissances, ou de queerphobie évidente.
Par ailleurs, l’histoire spécifique de l’épidémie de VIH/Sida est aussi d’une importance capitale pour l’histoire de la communauté. Mais pas uniquement parce que cette épidémie a d’abord touché de manière disproportionnée ou plus visible les hommes homosexuels, ainsi que les personnes toxicomanes et travailleureuses du sexe, dont spécifiquement les femmes transgenres. L’histoire de l’épidémie de SIDA, c’est aussi une étape importante de formation d’un sentiment de communauté, une communauté formée par l’exclusion et la conscience d’être considéré comme des vies de second rang, des vies sacrifiables, par le gouvernement comme par l’opinion publique. C’est l’histoire d’une mobilisation et d’une solidarité entre personnes minorisées, qui scellera le lien entre les différentes lettres du sigle et la nécessité de lutter ensemble pour défendre des droits. Cela dit, le traumatisme collectif que ça a représenté, et la perte d’une partie d’une génération de personnes LGBT, contribue aussi, parfois inconsciemment, à une envie de se distancier de cette histoire commune et de ne plus être associé à la moindre idée de maladie. Alors qu’une décennie de révolution sexuelle s’était amorcée et qu’on commençait à avancer vers une meilleure acceptation de l’homosexualité, l’épidémie de VIH a ajouté une couche de stigmatisation dans l’imaginaire collectif. Surnommé au début « cancer gay », ce virus qui en réalité touchait tout le monde a été un prétexte au renforcement des attitudes et préjugés homophobes, et a inscrit durablement certaines discriminations dans la loi (comme l’interdiction pour les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes de donner leur sang).
Et on parle de ça, des problèmes de santé mentale chez les LGBT+, de l’histoire et l’actualité de la communauté avec le VIH, de la pauvreté, du manque de soins ; mais sans penser que ces questions ont tout à voir avec les luttes anti-validistes. La mise à distance et la mauvaise compréhension de ce que signifient le handicap, l’accessibilité, le validisme, jouent aussi dans la moindre attention portée à la sérophobie, aux luttes intersexes, et portent même à oublier que les personnes LGBT+… vieillissent, tout simplement. Ça paraît évident et pourtant, d’autres grand·es négligé·es des représentations, discours et communautés majoritaires, ce sont les lesbiennes, bi, gays et personnes trans âgées (qui ont survécu à un décès précoce plus fréquent résultant notamment de la crise du SIDA, des violences physiques directes, des addictions et du suicide) et toustes celleux qui entreront prochainement dans la vieillesse. Or l’avancée en âge peut signifier la perte de mobilité, de vue, d’audition, de capacités cognitives ; l’augmentation du risque de cancer et maladies cardio-vasculaires ; et tout simplement plus de lenteur, de douleurs et de petits tracas quotidien – bref, une entrée plus ou moins marquée dans la catégorie handicapé·e. Déjà en soi souvent oubliées, sous-représentées, voire ouvertement méprisées par les milieux LGBT les plus jeunes et « dynamiques », les personnes âgées LGBT qui ont été valides durant une majorité de leur vie et qui font à présent face à un suivi médical plus lourd, une perte d’autonomie, le recours à des aides à domicile, l’hébergement ou l’aide par des membres de la famille, ou encore le transfert en maison de repos, vivront souvent des formes de discriminations validistes / âgistes intriquées avec leur identité de genre ou leur orientation sexuelle. Les institutions médicales et les services d’aide à la personne sont encore forts empreints d’une norme cisgenre et hétérosexuelle. Des personnes âgées LGB en perte d’autonomie déclarent se sentir obligées de retourner dans le placard.
Traumatismes communautaires : remplacer la concurrence par la convergence
Nous écrivons cette étude d’un point de vue empathique et non accusateur : avec la conscience et compréhension profonde et intime de ce que cela signifie de porter, en tant que communauté, de nombreux traumatismes liés à la pathologisation de son existence, la répression violente, les thérapies de conversion poussant au suicide, les milliers de morts dans l’indifférence générale pendant la crise du SIDA, et une persistance du rejet social sur base de stéréotypes négatifs. Il est aussi compréhensible (et légitime) que les personnes LGBTQIA+ souffrant de maladies chroniques et/ou de troubles psy invalidants dus à un vécu de violence ne souhaitent pas forcément revendiquer pour elle-même l’étiquette « handicapé·e » ; mais il faut comprendre que pour les personnes qui le revendiquent, cela ne va pas non plus de soi, et nous avons aussi à déconstruire la grille de lecture uniquement médicale/psychiatrique portée sur nos existences. Ce que nous aimerions transmettre, c’est que cette histoire douloureuse de la communauté LGBTQIA+, elle est commune à d’autres groupes sociaux discriminés – elle est même intrinsèquement liée aux autres oppressions systémiques. Et les personnes concernées – que ce soit par différentes oppressions, ou par une seule mais prenant le temps de s’intéresser aux autres personnes opprimées – le perçoivent aussi, sans avoir forcément besoin de savoir la théorie ou l’histoire : ce qu’on a en commun, c’est avant tout d’être renvoyé·e à une anormalité, d’être déclaré·e défaillant·e ou déviant·e, et de se voir dénier droits et respect simplement pour ce qu’on est et qui est injustement vu comme une monstruosité.
« Je sais ce que c’est d’être à la marge, au bord de la normalité, de ne pas avoir de place définie dans la société. […] Avoir à se battre pour être légitime et reconnu. Gagner sa différence, sa fierté, sa place dans l’existence. Quand je vois ces hommes et ces femmes tenter de se fondre aux autres et d’adopter des manières qui ne sont pas les leurs pour ne pas déranger […] je songe à mon moi de douze ans, tout fier d’une photo où je me tenais debout parce que j’avais l’air d’un valide. Je comprends la honte d’un gay qui veut avoir l’air d’un hétéro. » (Nicolas Houguet, journaliste pour Blast, handicapé, en introduction d’une émission consacrée à des documentaires sur les luttes LGBT)42
Ces points communs ne sont pas une coïncidence, et pas non plus juste causés par la tendance humaine naturelle à la peur de la différence et de l’étranger. Les attitudes de rejet, dégoût, fétichisation, objectification, méfiance, criminalisation, ont été politiquement renforcées voire créées, avec le soutien des sciences médicales, afin de naturaliser les hiérarchies sociales et justifier des violences. Il suffit de remonter un à deux siècles en arrière pour mieux le constater…
3. Déviant·es, dégénéré·es, malades ou criminel·les : des histoires et luttes communes
« La queerness et l’histoire des queers, c’est quand même une histoire de validisme », répond spontanément Morgan·e43, interrogé·e sur l’influence qu’aurait son handicap sur sa queerness, deux identités qu’iel considère en effet comme « intrinsèquement liées ». Relevant l’histoire de psychiatrisation des personnes queer, Morgan·e poursuit : « J’arrive pas à comprendre comment on peut pas voir que tout est lié, mais comme le racisme, comme… en fait toutes les oppressions. […] dès que nos corps ils correspondent pas à ce que les systèmes de dominations qui sont en place [imposent] ». Et effectivement, même sans avoir étudié l’histoire ou les travaux de théorisation autour des oppressions systémiques, on se rend vite compte qu’il y a pas mal de points communs entre le traitement des personnes qui sortent de la norme cis-hétéro et des personnes classées comme folles et/ou handicapées… mais pas que.
Faire l’histoire de – définir des catégories
Une note pour rappeler qu’historiquement, les catégories ne sont pas les mêmes : selon le contexte politique, l’organisation sociale et économique, et les croyances d’une époque, le corps ainsi que les comportements font l’objet d’interprétations très différentes. Ce n’était pas non plus forcément univoquement « pire » autrefois : des formes d’acceptation ou d’arrangements avec les différences et déviances ont existé (que ce soit les affinités sexuelles et romantiques, ou la place donnée aux « infirmes », malades et « idiots » dans la société) ; des distinctions qu’on fait aujourd’hui n’existaient pas forcément autrefois ou n’avaient pas de pertinence dans le contexte (pour l’asexualité par exemple, mais aussi une grande partie des formes d’intersexuation) ; et enfin, les libertés et possibilités pouvaient varier grandement selon différents groupes sociaux et milieux culturels, ou ont pu s’accroître pendant des périodes avant de faire l’objet d’une nouvelle restriction et répression (pour prendre un exemple récent : la liberté des années 1920 à 1930, surtout à Berlin et à Paris, en ce qui concerne les sexualités et déviances de genre, avant la montée des fascismes puis un retour à une rigueur très moraliste dans l’après-guerre).
3.1. Marginalisation et répression
Les minorités sexuelles et de genre, des groupes sociaux discriminés parmi d’autres
Les personnes LGBTQIA ont été, selon les époques et les contextes, poursuivies comme criminelles ; associées, dans l’imaginaire commun et les représentations (spectacles, fictions écrites et visuelles, langage médiatique, discours, croyances) ainsi que dans le système judiciaire, à la perversion, l’immoralité, la corruption, la monstruosité ; perçues et traitées comme déficientes, malades, à réparer ; privées d’autonomie et de droits sur leur corps, leur vie sexuelle et reproductive, leurs relations, leur participation sociale ; sans cesse soumises à une recherche d’explication de leur existence et à des pressions pour changer ce qu’elles étaient et se conformer à une certaine norme.
Mais en fait, avoir été pathologisé·e et médicalisé·e, et parallèlement avoir été associé·e au délit et au crime, et conséquemment aussi avoir été perçu·e et traité·e comme dangereux·se, contagieux·se, ayant une déficience ou un défaut à corriger, n’étant pas en pleine possession de ses moyens et donc minorisé·e et privé·e de droits, ce n’est pas spécifique aux personnes LGBTQIA. La pathologisation fait partie des processus structurants de la création de catégories et hiérarchies d’êtres humains : c’est, d’abord, une facette de l’altérisation. Ce que ça signifie, c’est qu’afin de garder catégories et hiérarchies bien en place, et pour autoriser voire présenter comme nécessaire et bénéfique la violence (la spoliation de biens, l’exploitation, la privation de droits), il est nécessaire de rendre « autre » le groupe de personnes visé, de les présenter comme fondamentalement différentes, voire pas tout à fait humaines. Et pendant des siècles en Occident, c’est surtout la religion chrétienne qui permettait de justifier l’ordre social, les hiérarchies, et la condamnation de certaines personnes ou comportements. C’est donc aussi la religion qui permettait de condamner toute pratique sexuelle non-procréative, de justifier quelles familles dirigent et exploitent le peuple, de défendre les premières colonisations et l’esclavage, ou de décider quelle place sociale est réservée aux infirmes, malades et déficient·es. Un changement progressif de normes sociales, d’autorité en termes de production de savoirs, de structure économique et politique, va s’opérer entre le XVIIe et le XIXe siècle, et influencer qui l’on désigne comme inférieur·e ou déviant·e, et comment on justifie et défend les hiérarchies.
Les sciences au service d’une nouvelle organisation sociale et économique
À partir du XVIIIe siècle en Europe, c’est toujours plus la science et la croyance en la « raison » qui prennent le pas sur les préceptes moraux et les croyances du christianisme. Le développement de la médecine moderne s’impose notamment comme source de vérité et de légitimation de l’organisation sociale. Organisation sociale qui va aussi être impactée par la révolution industrielle qui a cours au XIXe siècle et qui ne se résume pas à une accélération des innovations techniques, mais s’accompagne surtout d’une profonde mutation de la structure économique de nos pays : la mise en place du système capitaliste. Or l’organisation et la division du travail dans le système de production industriel capitaliste s’appuie intrinsèquement sur les hiérarchies et les inégalités – autrement dit, l’exploitation de personnes au profit d’autres. Pour le développement économique des pays industrialisés, l’esclavage a été nécessaire, mais aussi l’exploitation ouvrière, et la prise en charge gratuite et non reconnue du travail reproductif et domestique par les femmes. Dans ce système, la famille sert à la production de la future main-d’œuvre, mais aussi à la reproduction de classes sociales distinctes. Ainsi les gouvernements occidentaux ont besoin non seulement de maintenir mais de renforcer et étendre la domination et l’exploitation de terres et peuples colonisés, des femmes au sein de la structure familiale patriarcale, et des classes populaires. Pour contrer ou surmonter révoltes, révolutions, et déviances sociales, la morale portée par la religion ne suffit plus, et le nouvel État démocratique intervient moins dans la vie privée des citoyens. Ce sont alors les sciences biologiques et médicales qui vont permettre de justifier la continuité et l’extension de l’entreprise coloniale même après l’abolition de l’esclavage, mais aussi le maintien des dominations de classe et de l’ordre social sexiste – en cherchant tout un tas de preuves biologiques farfelues de l’infériorité et des aptitudes spécifiques de tel ou tel groupe de personne. Le fait que les sciences acquièrent en surface plus d’autorité que la religion n’a pas fait disparaître l’influence de la morale chrétienne, qui pèse sur le développement des sciences et sur la recherche de justifications médicales/psychiatriques à l’infériorisation de certaines personnes ou groupes de personnes. Mais officiellement, c’est la médecine qui devient la nouvelle autorité morale, en décidant de ce qui est « naturel » et « sain » et qui serait donc « bon » et juste. Pour résumer un peu schématiquement, au lieu de justifier les places et rôles sociaux par la volonté divine, on les défend désormais en s’appuyant sur des lois de la nature, des vérités biologiques, que « découvrent » et formulent les scientifiques de l’époque. Ce sont d’abord certains corps, certaines existences, qui sont considérés comme en soi, biologiquement, « autres ». Le handicap et la folie (déclinés en : infirmité, dégénérescence, inaptitude, fragilité, caractère pathogène…) sont alors le dénominateur commun44 des personnes, groupes sociaux ou peuples à part entière dont on cherche à justifier la mise à l’écart et/ou l’exploitation. Ainsi, pour la pensée de l’époque, être femme, indigène, pauvre, homosexuel, prostituée… c’est être malade, infirme, déraisonné·e, ou contagieux·se. Face à une altérité et infériorité prétendument « biologique », cela paraît alors non seulement normal mais souhaitable d’intervenir. Dès lors, définir un corps comme malade, porteur ou vecteur de maladie, devient un formidable outil de contrôle social et de justification des hiérarchies comme de la violence directe. Cela permet même de prendre des mesures préventives, sous le prétexte de contrer la menace potentielle que représente tel type/groupe de personnes pour l’ensemble de la société, ou même sous le prétexte d’aider et sauver celleux désigné·es comme malades.
Pathologiser la déviance
Ainsi, quand l’homosexualité a commencé à être conceptualisée à un moment donné comme une maladie mentale – fin du XIXe siècle – c’est dans un contexte où la psychiatrie émergeait non pas prioritairement comme service de soin envers des individus souffrants, mais comme organe de classification des comportements normaux et comportements déviants et d’intervention sur les déviances, dans un but de maintien de l’ordre social et de régulation des comportements et individus venant troubler celui-ci. Par exemple, dans l’histoire de la condamnation des relations sexuelles entre hommes, ce qui était visé avant tout, c’est le fait de s’adonner à des actes sexuels qui ne visaient pas à la procréation : la masturbation était tout autant condamnée, d’abord par la morale religieuse, puis à l’aide d’un tas d’effrayantes prédictions médicales. Toute tentative d’échapper à l’ordre social a fait l’objet, de manière ponctuelle ou durable et multiple, d’une interprétation médicale : par exemple les tentatives de fuite des esclaves (frappés d’une « drapétomanie » qui cause des mouvements involontaires), les réclamations de travailleur·euses d’avoir moins d’heures de travail (frappé·es de la maladie de la paresse, conceptualisée comme une forme de folie), la prostitution (preuve d’un « vice » et non d’un besoin de survivre économiquement), ou encore les activités sportives, intellectuelles ou politiques de femmes bourgeoises (qui se voyaient bien vite prescrire pour leur santé de s’isoler et ne plus réfléchir). C’est que la pathologisation, c’est-à-dire la conceptualisation d’un phénomène naturel ou social comme relevant du domaine de la maladie et devant donc faire l’objet d’un contrôle voire d’une intervention médicale, permet ce que la criminalisation ne permet pas assez. Cela augmente la stigmatisation sociale en faisant d’une personne un problème de santé publique, cela permet davantage d’intervention dans la vie privée et de restriction de l’autonomie des individus, et cela finit même par faire des individus qui non seulement s’auto-contrôlent, mais qui sont contrôlables plus facilement, en raison des ravages de la honte intériorisée. Ainsi, dans l’étude de l’émergence d’une pensée raciste en lien avec l’expansion des empires coloniaux, dans les études féministes, dans les études sur les déviances en termes de genre et sexuels, et ainsi de suite, il est toujours noté que la prise en charge par la médecine, puis spécifiquement par la psychiatrie, permet de remplacer, renforcer ou relancer des mesures répressives juridiques, et globalement affermir l’ordre social existant.
La recherche de l’humain parfait : eugénisme et crimes de masse
Conjointement au renforcement de l’autorité médicale et à l’émergence de la psychiatrie apparaissent dans la deuxième moitié du XIXe siècle en Occident des thèses évolutionnistes et eugénistes45. Les découvertes de Charles Darwin sur l’évolution des espèces sont détournées, par lui-même et d’autres théoriciens dont Herbert Spencer, pour penser un « évolutionnisme social », prétexte à hiérarchiser les peuples et les sociétés selon ce qui est considéré comme des stades différents d’évolution, le peuple occidental chrétien industrialisé représentant selon cette pensée le stade le plus avancé de l’évolution ; ainsi que pour défendre une vision de l’humanité très pessimiste et individualiste, où les hommes sont en concurrence pour la survie et seuls les plus forts (selon des valeurs virilistes, guerrières, hyper-individualistes) doivent sortir gagnants. Cette vision de l’évolution des sociétés se nourrit d’autres théories préexistantes sur la dégénérescence et l’hérédité, qui visent tout un tas de « tares » héréditaires – maladies mentales, vices moraux, tendances criminelles, prédisposition à l’alcoolisme… Francis Galton va, lui, lancer une pensée eugéniste, qui vise une amélioration biologique des populations humaines, en agissant sur la sélection de la reproduction. Eugénisme et « darwinisme social » vont de pair dans un contexte d’anxiété sur la natalité, de préparation constante à la guerre, et de besoin d’étendre et affirmer les puissances coloniales. Dans ces visions du monde, l’homosexualité masculine est vue à la fois comme une menace directe à la natalité, mais aussi comme le résultat d’une hérédité pathogène, porteuse d’autres tares, et qui est liée à un affaiblissement général du corps et de l’esprit. C’est dans cette ambiance de crainte du déclin civilisationnel, d’un renforcement de préoccupations hygiénistes, et dans un contexte politique de besoin accru du contrôle des populations (augmenter la natalité pour faire face aux pertes des guerres), que les descriptions médicales et psychiatriques de « fléaux sociaux » vont se figer, à la fin du XIXe siècle, notamment dans le traité de psychopathologie du psychiatre allemand Krafft-Ebbing (Psychopathia Sexualis, 1886). À partir du début du XXe siècle, très officiellement aux États-Unis mais aussi en Europe – et sur les territoires colonisés – on stérilise de force les hommes et femmes adultes déficient·es mentaux·ales, sourd·es, aveugles, interné·es en psychiatrie ; mais aussi des personnes alcooliques et toxicomanes, des criminels, des femmes pauvres, des anciennes esclaves émancipées, des femmes indigènes ; plus tard, sous le régime nazi, ce seront aussi les hommes homosexuels qui seront souvent stérilisés, et qui feront l’objet de traitements hormonaux non consentis servant à des expérimentations médicales46.
C’est sous le IIIe Reich en Allemagne que les idéologies et pratiques eugénistes déjà populaires en Occident – certaines des premières lois allemandes notamment sur les stérilisations forcées et les interdictions de mariage se sont inspirées de lois déjà en vigueur aux États-Unis – seront poussées à leur comble sur le sol européen47. Les exterminations de masse qui ont pour but de préserver une « race aryenne » visent en premier lieu la population Juive (déjà conceptualisée en Occident comme une « race »), premier ennemi politique et victime de ce génocide48. Ce qu’on sait moins, c’est que l’extermination de personnes handicapées physiques et mentales ainsi que celles souffrant de troubles psychiques a commencé bien plus tôt, et a servi de « test » assumé pour les méthodes et l’organisation des meurtres de masse à venir des Juifs et Roms. Ce qui a été retenu sous le nom d’Action T4 (80 000 victimes) visait les « vies sans valeur », ou « indignes d’être vécues », coûtant donc inutilement à l’État, sélectionnées avant tout d’après un critère d’inaptitude au travail, en plus d’un jugement sur les difformités physiques. Ce programme d’« euthanasie », présenté comme un service rendu aux personnes handicapées, à leur famille et à la population générale, a continué jusqu’à la fin de la guerre (jusqu’à 250 000 enfants et adultes assassinés). Dans d’autres pays comme la France, les personnes internées dans des hôpitaux psychiatriques sont massivement mortes de faim pendant la seconde Guerre Mondiale, sans que ce soit forcément un abandon planifié et intentionnel de la part de l’État49. Les personnes déviant des normes sociales de genre et sexuelles faisaient aussi partie des victimes du régime nazi, selon des jugements et classifications qui diffèrent d’aujourd’hui. Les hommes homosexuels font l’objet d’une criminalisation spécifique sous le IIIe Reich et sont souvent condamnés comme tels (50 000 condamnations, 6000 morts), marqués par un triangle rose qui les expose dans les camps de travail à plus de stigmatisation et violence. Les femmes lesbiennes en revanche sont surveillées en tant que femmes (devant se reproduire) et pas spécifiquement en raison de leur sexualité, bien que cela puisse être un facteur aggravant en cas de condamnation : elles sont plus souvent condamnées, et le cas échéant déportées, sous l’étiquette d’« asociales » et/ou pour des faits d’opposition politique.
Continuité et renforcement de la normativité : les travers de l’approche médicale
À partir des années 1950, les progrès techniques et le développement des savoirs médicaux, en même temps que l’accroissement de l’autorité médicale, ne permettent pas juste des améliorations en termes de santé publique, mais malheureusement aussi un accroissement du contrôle des corps, une multiplication de diagnostics biaisés, une rigidification des normes. Ainsi, le développement de savoirs sur la sexuation (développement des organes sexuels, fonctionnement de la reproduction, rôle des hormones, etc.), s’il est utilisé pour développer des savoirs en gynécologie et des méthodes de contraception, ainsi que pour offrir plus d’options de transition aux personnes ne se reconnaissant pas dans le genre assigné à la naissance, sert d’abord à affirmer avec davantage de rigidité les catégories sexuées homme / femme – et intervenir toujours plus sur les corps intersexués, dont la simple existence perturbe cette vision binaire des sexes. La décennie d’après-guerre est plus largement un moment de retour à une rigueur morale et l’affirmation d’un ordre sexiste, défavorable aux femmes et aux minorités sexuelles et de genre. Entre les années 1960 et 1980 – et jusqu’à aujourd’hui – ce sont aussi de nouveaux « traitements » ou « thérapies » qui sont pensées pour décourager la déviance de genre – et en même temps, sans que ce soit remis en question, pour mater les personnes psychiatrisées et/ou les enfants autistes. Un certain psychologue, Ivar Lovaas, joue même un rôle clé dans le développement en parallèle d’une méthode de traitement de l’autisme50 comme des manières efféminées chez les garçons, les conceptualisant comme des problèmes de comportement pouvant être corrigés (par la maltraitance physique et émotionnelle), afin de revenir à une norme à la fois neurotypique et cishétérosexuelle.Le rôle de la médecine – entendue comme institution et organe de pouvoir productrice de discours et pratiques, et non comme les individus médecins en particulier – a souvent été ambigu. Proposer une explication scientifique et poser un diagnostic sur une condition pouvait, dans un premier temps, ré-humaniser la personne en offrant une explication scientifique à la monstruosité ou déviance perçue. C’est notamment avec le développement de l’autorité médicale que s’est affaibli l’attrait des freak shows51 et zoos humains, qui s’appuyaient sur des éléments de mystère et mythologie ; c’est aussi avec une approche compassionnelle que certains théoriciens ont cherché à comprendre en termes biologiques ou psychologiques les déviances sexuelles et de genre. Médicaliser, ça revient à proposer un chemin de réinsertion sociale ou de réhabilitation, via la poursuite d’un « traitement », qui peut apparaître comme la voie du salut pour la personne marginalisée. Dans le cas des approches du handicap, l’entre-deux guerre a par exemple permis un changement de regard sur les personnes avec un handicap physique/moteur : avec autant de mutilés de guerre, souvent de jeunes hommes, qui s’étaient sacrifiés pour leur pays, plus possible de juste exclure et mépriser. La médecine et les sciences techniques se sont mobilisées pour proposer des possibilités de réhabilitation : prothèses, chirurgies reconstructrices, rééducation, outils adaptés. Les politiques ont évolué pour garantir une place dans la société aux « invalides ». La vision à la fois compassionnelle et héroïsante des corps mutilés des anciens soldats a aussi bénéficié aux hommes blessés dans le cadre de leur travail52. Cela dit, ces politiques et attitudes ont eu leurs limites, en ce qu’elles continuaient d’exclure tout un tas de personnes handicapées, en établissant des catégories et hiérarchies de handicap, et en basant finalement l’acceptation sociale et le respect sur la capacité de la personne à s’insérer dans le monde de l’emploi ou au moins dans la société ordinaire, valide. De même, si la conception des parcours de transition de genre en médecine et en psychiatrie a pu permettre de ne plus conceptualiser le « transsexualisme » – comme on disait à l’époque – comme une perversion sexuelle, et a ouvert la voie aux premières reconnaissances administratives de changement de sexe/genre, cette mainmise et théorisation médicale sur les transidentités a surtout été une manière de continuer à garantir un ordre social basé sur des catégories binaires et rigides de genre, et sur une idée de la naturalité du sexe. La médecine est devenue chargée de déterminer qui étaient les « vrais » trans, ce qui impliquait de vouloir coller à une certaine masculinité ou féminité, très restreinte, binaire, évidemment hétérosexuelle, en collant aussi à un discours unique sur son corps. Cette histoire impacte encore aujourd’hui les personnes trans/non-binaires/queer, puisque les changements dans la loi belge et dans les nomenclatures médicales internationales sont extrêmement récents, et puisque les attentes hétérocisnormées sont encore très influentes dans les pratiques médicales et sociales. Il faut ainsi reconnaître que si des branches des sciences ainsi que des théories spécifiques ont été disqualifiées53, les présupposés de base, les biais implicites qu’ont les personnes qui font la recherche et pratiquent la médecine, et le système dans lequel se développent ces savoirs et pratiques, n’ont pas réellement été questionnés. Changer les contours d’une catégorie, le nom d’un diagnostic, ou pouvoir enfin retirer des répertoires de maladies l’hystérie, l’homosexualité, ou la transidentité, ça ne suffit pas à faire disparaître toutes les idées erronées qui ont en premier lieu mené à la pathologisation.
3.2. Résistances et luttes pour les droits
Les mouvements sociaux
Des histoires similaires de répression et marginalisation, notamment via la criminalisation et la pathologisation, et aussi très concrètement via l’inégalité des droits, ça aboutit aussi à des histoires similaires de résistance et soulèvement.
Il y a eu convergence d’époque pour divers soulèvements et mobilisations, les unes influençant ou entraînant les autres. C’est entre autres suite au mouvement pour les droits civiques des Noirs aux États-Unis (1954-1968), et dans une décennie de divers mouvements contestataires liés entre eux (contre la guerre au Vietnam et pour la paix, pour la libération sexuelle) que prend forme un grand mouvement de lutte de personnes handicapées (Disabled in Action). Une des actions les plus spectaculaires – l’occupation pendant presque un mois des locaux du département fédéral de la santé, par des personnes handicapées dont beaucoup dépendant de soins spécifiques quotidiens – compte parmi les occupant·es une grande diversité de profils (de handicap mais aussi de race, classe sociale, sexualité, âge) et bénéficie du soutien logistique essentiel du Black Panther Party (une organisation politique radicale de libération noire), ainsi que d’autres groupes lesbiens, homosexuels, et initiatives locales d’action sociale54. Aux États-Unis toujours, les émeutes de Stonewall en juin 1969, qui seront suivies d’un mouvement qui ne s’éteindra plus, ne sont pas le premier soulèvement dans ces types de quartier, mais surtout co-existaient avec des marches et revendications plus « respectables » – et sans grand effet – d’hommes gays cisgenres et blancs. Stonewall, c’est une résistance globale contre la brutalité policière et les mauvaises conditions d’existence dans lesquelles sont forcées les personnes non conformes en termes de genre de tous genres, classes sociales, couleurs de peau, qui se retrouvent dans des bars insalubres et pour une grande part gérés par la mafia. En France mais aussi en Belgique et aux Pays-Bas, c’est aussi autour du tournant de 1968 que s’intensifient les luttes homosexuelles, dans un contexte plus large de mouvements pour la libération sexuelle, luttes féministes, mouvements de gauche radicale. C’est aussi l’émergence en France de luttes handicapées, qui font le lien déjà avec les luttes ouvrières et le capitalisme comme ennemi commun55. D’autres contextes de violence et difficultés partagées comme la crise du VIH seront aussi le déclencheur d’un renforcement de mouvements de solidarité et revendications, qui lient les personnes les plus marginalisées et stigmatisées par-delà leurs différences. D’autres luttes spécifiques émergent plus tardivement, en fonction de l’intensification du contrôle médical et des violences vécues, mais aussi en fonction des occasions de se trouver, d’échanger et de faire communauté (réveil Sourd dans les années 80 ; puis, aidées par une mise en réseau possible grâce au développement d’Internet, luttes autistes dans les années 90 pour les pays anglophones, luttes intersexes, réseau des survivant·es de la psychiatrie).
Retournement du stigmate et marches des fiertés
Mais pour pouvoir lutter pour le respect de sa dignité et de ses droits, il faut d’abord pouvoir sortir de la honte de soi, qui pousse à l’isolement et la résignation. Si tant d’individus différents se sentent unis dans une identité commune, que ce soit pour les luttes LGBT+ ou les luttes handicapées, c’est qu’une identité stigmatisée, poussant à la honte et la détestation de soi, leur a d’abord été assignée de l’extérieur – par le jugement social et le diagnostic médical. Alors pour contrer la honte il faut parler, il faut montrer, il faut se fédérer avec ses semblables, il faut occuper l’espace public.
Le retournement de la honte en fierté, forme d’affirmation de soi politique, passe entre autres par la redéfinition de soi et une reprise de pouvoir sur son identité et son image. Lorsqu’on a d’abord été défini par des termes médicaux pathologisants et déshumanisants, lorsqu’on a d’abord été défini par l’insulte, on peut rejeter les termes et en créer de nouveaux, transformer les termes, ou encore se les réapproprier et les re-signifier. Cette dernière stratégie est ce qu’on appelle le retournement du stigmate, qu’on retrouve quand des homosexuel·les revendiquent les termes « pédé » ou « gouine », et plus largement quand toute la communauté se réapproprie le terme « queer », qui signifie littéralement « tordu, de travers ; étrange, bizarre », et qui a été utilisé comme insulte particulièrement forte contre toutes les personnes non-conformes en termes de genre, ou plus largement déviantes et socialement marginales. C’est aussi ce que font les personnes psychiatrisées qui redéfinissent la folie et se revendiquent folles, ou réinvestissent le nom de leur diagnostic (« schizo », « border »), ainsi que les personnes handicapées anglophones à l’initiative du mouvement « crip », une abréviation du mot péjoratif et insultant « cripple ». Le simple fait de se nommer et d’en faire une identité choisie et assumée – et pas un nom de diagnostic ou la marque d’une insulte – est une manière de revendiquer une place dans la société, en affirmant l’existence et surtout la pérennité de cette identité – contre une culture qui pousse au changement, à la « guérison » et à un illusoire « retour » à la normalité.
Le retournement du stigmate et la transformation de la honte en fierté s’exprime aussi via tout un tas de stratégies de visibilité : ne plus se cacher, mettre en avant ce qui a été le plus stigmatisé, assumer justement ce qui a été désigné comme le plus abject et honteux, voire le célébrer et le revendiquer. C’est pour ça que les marches des fiertés (Pride) LGBTQ+ sont aussi flamboyantes et provocantes. Les marches des fiertés existent pour différente luttes, les plus connues étant les Pride LGBTQIA+, mais il existe aussi des Fat Pride (personnes grosses), Disability Pride (personnes handicapées), Mad Pride (personnes psychiatrisées et/ou qui s’auto-identifient comme « folles »), Autistic Pride (personnes autistes) : c’est-à-dire des marches, cortèges et/ou ensemble de célébrations ayant lieu à un jour précis, mais aussi d’autres initiatives de sensibilisation, célébration et lutte qui peuvent s’étendre sur une semaine ou un mois dédié, faisant généralement écho aux dates de luttes historiques importantes56. Le principe est le même : honorer l’histoire d’un mouvement contestataire et reconnaître l’apport des activistes d’hier, tout en continuant la lutte et réaffirmant les revendications, ainsi qu’en mettant au centre et célébrant ce qui est le reste du temps mis en marge et encouragé à être caché (les corps différents, les aides à la mobilité, les langues des signes, le stimming autiste57…).
Diversité, divergences et convergences
Mais les luttes sont plus nombreuses, diverses et multiformes que ne le laisse penser l’histoire unique retracée après coup : moins connus, plus difficiles à retracer, il y a aussi eu des liens entre des luttes antipsychiatriques et queer dès les années 1960, des luttes communes à plusieurs groupes marginalisés lors de grèves ouvrières ou dans des milieux alternatifs (anarchistes, punks), et une diversité de petits collectifs, initiatives, réseaux et actions qui prennent place en divers endroits. C’est aussi ça qu’ont en commun les luttes : la diversité des groupes et modes d’action, les divergences de pensée, les conflits internes – mais qui ont été effacés et lissés au fil du temps pour aboutir à un récit commun plus consensuel. Selon l’époque et le contexte, des revendications concrètes fédèrent et permettent d’obtenir des droits et avancées sociales : par exemple la dépénalisation de l’homosexualité ; l’alignement de l’âge de la majorité sexuelle sur celui des personnes hétérosexuelles ; la sortie de l’homosexualité des répertoires de maladies mentales ; pour les personnes handicapées, l’accès à des droits fondamentaux, la fin de la ségrégation, l’exigence de l’accessibilité des transports, services et lieux publics ; pour les personnes sourdes, d’abord la reconnaissance officielle de la langue des signes ; et ainsi de suite, puisque d’autres revendications, contextes de lutte, et modes d’action continuent à exister. Cela dit, ce qu’on appelle parfois différentes « vagues » des luttes ou émergence de nouvelles revendications ne sont en réalité que le résultat d’une mise de côté et d’un effacement de revendications, intersectionnelles et révolutionnaires, qui étaient là depuis le début et qui n’ont pas cessé d’exister pour les personnes les plus touchées. Mais quand un acquis a suffi à un groupe de personnes plus privilégié, souvent, la lutte s’est arrêtée là pour eux, laissant les moins privilégié·es ou plus stigmatisé·es continuer la lutte. Communs sont également les aller-retours entre savoir de terrain et d’expérience ou militant, et savoir académique, quoique les mouvements féministes et LGBT+ se sont plus facilement transposés dans le milieu académique que les études sociales et culturelles du handicap.
La tentation de l’assimilation
Parmi les stratégies collectives, politiques, de lutte contre les discriminations et d’acquisition de droits, on retrouve aussi dans divers mouvements sociaux la stratégie de la normalisation ou l’assimilation. Dans le but de contrer l’altérisation, recréer un lien d’empathie avec les autres membres de la société, répondre aux craintes et préjugés, de nombreux discours ou initiatives de défense des droits des personnes discriminées se sont appuyées sur la mise en avant de ce qu’elles avaient, en fait, de normal, commun, ordinaire, semblable aux autres… Ce qui permet de rassurer sur une possibilité de s’intégrer à la société existante, sans rien en bousculer de fondamental. Cette tendance a été, entre autres, représentée par le mouvement « homophile », qui « prône toute une série de valeurs comme l’amour ou l’amitié, s’attache aux relations sociales et souhaite démontrer que les homosexuels ne sont pas uniquement livrés à leurs pulsions sexuelles58 », bref qui cherche à s’éloigner des préjugés de dépravation et déviance. Le mouvement aura une influence durable en Belgique plus qu’en France, notamment avec la création en 1953 à Bruxelles du CCL (Centre de Culture et de Loisirs), qui permet activités et rencontres entre personnes homosexuelles, mais sous un angle « respectable ». Individuellement ou comme groupes, ce sont beaucoup de personnes homosexuelles qui empruntent cette voie de la revendication par la preuve que l’on est bien compatible avec le système, et beaucoup de personnes trans adopteront aussi cette stratégie, bien que (ou peut-être justement en raison de cela) elles-mêmes d’abord mises à la marge des luttes gay-lesbiennes qui ont gagné en respectabilité et qui craignent que d’autres personnes nuisent à l’image et la crédibilité du mouvement.
Choix personnels et lutte politique
Nous portons un regard critique sur les volontés d’assimilation en tant que stratégie politique ; il ne s’agit pas de critiquer des choix de parcours individuels. On peut ne pas être engagé·e politiquement même quand on porte une identité stigmatisée.
Par ailleurs, chacun·e fait son possible au milieu des contraintes, et vouloir passer inaperçu·e est aussi un besoin de survie – parce qu’on est traumatisé·e ; parce qu’on vient d’une génération ou d’un milieu où les identités marginales sont encore plus stigmatisées ; parce qu’on risque factuellement davantage de violences et/ou des violences spécifiques (lorsqu’on est gros·se ou racisé·e, par exemple ; lorsqu’on est un homme noir ou arabe handicapé face à la police) ; parce que les étiquettes nous ont été imposées violemment de l’extérieur (personnes handicapées ayant été toute leur vie définies de l’extérieur comme handicapées par le discours médical et des institutions dans lesquelles elles évoluent, par exemple) ; et/ou encore parce qu’on ne se reconnaît pas dans les mots, discours et modes de luttes censés nous représenter (intersections non prises en compte).
Enfin, on peut avoir des préférences et des aspirations personnelles (en termes d’expression de genre, de goûts, de configuration familiale, etc.) qui correspondent à ce que la société attend, reconnaître l’avantage arbitraire que cela procure partiellement, tout en étant engagé·e pour une révolution du système.
La volonté d’assimilation existe aussi du côté des luttes handicapées, des luttes autistes, et des luttes de personnes souffrant de troubles psy. On observe partout la même tendance à vouloir établir des hiérarchies et catégories : entre « bon·nes » et « mauvais·es » handi·es ; celleux qui peuvent s’insérer sur le marché de l’emploi contre celleux qui ne peuvent pas travailler ; celleux qui acceptent pleinement la catégorisation et l’intervention médicales, contre celleux qui remettent en question le système ou juste en questionnent l’hégémonie ; celleux qui n’ont finalement qu’une petite différence présentée comme accessoire, contre celleux qui semblent définitivement trop bizarres, différent·es, déficient·es.
Ces attitudes de méfiance, de différenciation, voire de franc rejet peuvent se comprendre d’un point de vue historique, psychologique et politique : il s’agit, pour un groupe minoritaire et minorisé, de chercher à se rapprocher le plus possible du modèle majoritaire et dominant, en se débarrassant d’éléments vus comme « gênants » parce que venant confirmer des stéréotypes négatifs projetés sur le groupe minoritaire par le groupe dominant. Ce qui est alors spontanément identifié comme le problème sont les personnes qui viendraient confirmer les stéréotypes, et non le fait qu’il y ait des stéréotypes et que certaines caractéristiques soient dévalorisées. C’est ce qu’on appelle aussi la politique de la respectabilité. Mais ces stratégies ne font pas que perpétuer des hiérarchies et des discriminations : elles sont inefficaces pour tout réel progrès social. Les luttes importantes ont été gagnées grâce à l’union entre toustes et le refus de conditionner des droits fondamentaux à une certaine respectabilité. Au final, le stigma ne disparaît pas : il ne fait que se déplacer ou se transformer. Et l’acceptation superficielle par la société de certaines formes de déviances peut même être une manière d’affirmer et renforcer la norme – puisque ce sont les écarts à la norme qui permettent de définir les contours de celle-ci.
3.3. La place des personnes intersexes dans les luttes queer et antivalidistes
Si nous ne pouvons pas dans cette étude entrer dans le détail de toutes les histoires de discriminations et luttes de groupes spécifiques, nous voulions tout de même faire un focus sur les luttes intersexes – parce qu’elles sont encore largement méconnues, et parce qu’elles se situent à l’intersection des oppressions (cishétéro)sexistes et validistes.
L’intersexuation désigne, parmi les variations naturelles du corps humain, le fait d’avoir des caractères sexuels qui ne correspondent pas strictement aux normes établies du masculin et du féminin, et qui font l’objet d’une invalidation et répression médicales. Les caractéristiques sexuelles atypiques peuvent être visibles à la naissance, être découvertes lors d’examens, se révéler à la puberté ou dans le cas d’une infertilité. Les variations sont multiples, loin d’être rares, ont toujours existé, mais font l’objet d’interventions médicales qui effacent socialement et historiquement l’existence de ces corps. Cela dit, se découvrir / définir intersexe, ce n’est pas fondé « sur une réalité biologique qui serait intrinsèquement commune, mais sur un projet politique et un vécu partagé, notamment de médicalisation forcée », explique la sociologue Michal Raz dès l’introduction de son ouvrage Intersexes : du pouvoir médical à l’autodétermination (2023). Ainsi, « la création de l’identité collective intersexe se fait au départ autour de l’invalidation médicale », ce qui est important à retenir pour comprendre non seulement ces luttes mais aussi les luttes de personnes handicapées / psychiatrisées, plus largement toutes celles qui pourraient parler de leur corps et leur vécu soit en adoptant le registre de la maladie, soit au contraire en contestant la pathologisation. Ce qui est commun, ce n’est pas le corps en lui-même, c’est l’« expérience vécue des conséquences socio-culturelles d’être né·e dans un corps qui ne correspond pas aux constructions sociales normatives », ici « du masculin et du féminin59 », mais la formulation s’applique aussi très justement à d’autres normes corporelles.
Les revendications prioritaires des luttes intersexes 60portent sur la fin des interventions médicales non consenties et non nécessaires sur les enfants, interventions qui nuisent grandement au bien-être de la personne et sont opérées dans le demi-secret, sans juste transmission d’informations aux familles, avec chantage, pressions, exagérations et mensonges. En effet, la plupart des interventions médicales n’ont pas pour but de répondre à une urgence vitale ni d’améliorer le bien-être du bébé / de l’enfant / de l’ado intersexe, mais de normaliser l’apparence et les « fonctionnalités » du corps, selon une grille de lecture hétérosexiste choquante : par exemple, les mutilations et remodelages génitaux ont pour but de permettre soit de pouvoir être pénétré·e, soit de pouvoir pénétrer ; on insiste pour qu’un bébé assigné garçon ait absolument un pénis d’une taille qui lui permette d’uriner debout ; on harcèle des jeunes filles et des femmes pour prendre des traitements hormonaux dont elles ne veulent pas, parce que leur pilosité est jugée masculine et donc impensable sur un corps assigné au genre féminin ; et ainsi de suite. Ainsi, la recherche de normalisation de corps intersexes est intrinsèquement liée – historiquement et dans les pratiques – à la vision binaire, sexiste, hétéronormée, qu’on a du genre et de la sexualité ; vision elle-même modelée par un ensemble d’autres normes racistes (définir la sexuation, le genre et la sexualité « normales » et supérieures dans une perspective ethnocentrée sur une partie de l’Occident blanc) et validistes (ce qu’on considère comme étant un corps capable et sain).
Si les problématiques et revendications des personnes intersexes ont à voir avec le handicap, ce n’est pas parce que les variations anatomiques et hormonales seraient en soi des dysfonctionnements et des altérations d’un bon état de santé, comme le considère la médecine – mais parce que les personnes intersexes sont à la fois traitées comme malades et dysfonctionnelles, voire comme pas tout à fait humaines tant qu’il n’y a pas eu correction médicale, et rendues malades et handicapées par les interventions médicales – ce qui rejoint les histoires de pathologisation de bien d’autres groupes de personnes, comme nous l’avons mentionné précédemment. Les interventions médicales précoces et répétées sur les enfants intersexués résultent souvent en un syndrome de stress post-traumatique, et traitements hormonaux ainsi que les opérations et interventions à répétition peuvent avoir des conséquences physiologiques désastreuses (infections urinaires, déchirures, mauvaise cicatrisation, perte de tissus nerveux sensibles). Or une majorité des médecin·es prétendent ou sont réellement persuadé·es d’agir dans l’intérêt de l’enfant, de la famille et de la société, refusant d’entendre que ce sont les critères rigides et subjectifs de ce qui serait « sain » et « normal » qui sont à l’origine de tant de souffrances. Un des arguments utilisé par le corps médical pour intervenir sur les enfants intersexes et faire pression sur les parents, c’est qu’il s’agit de favoriser l’intégration sociale de l’enfant et l’adulte qu’il deviendra, arguant que le fait d’avoir un corps et des fonctionnalités sexuelles différentes lui vaudra rejet des parents, rejet par ses pairs, problèmes de santé mentale, solitude affective et sexuelle.
Ce sont, aussi, les arguments qu’on avancera pour nombre d’interventions et de coercition sur les enfants handicapés (implants cochléaires et appareillage précoce pour les enfants sourds qui n’en seront pas forcément mieux servis ; décourager – et ne pas financer – l’usage d’un fauteuil roulant pour des personnes qui peuvent théoriquement faire usage de leurs jambes mais qui sont finalement bien plus mobiles et bien moins souffrantes en se déplaçant sur roulettes ; privilégier pour les enfants autistes des interventions qui visent à enseigner les comportements sociaux normés au détriment de leur bien-être, etc.), tout comme c’était autrefois le sens des interventions thérapeutiques précoces sur les petits garçons qui avaient des comportements et goûts jugés efféminés. C’est la même tendance à valoriser la normalisation plutôt que le bien-être, et à remettre plus facilement en question l’individu plutôt que son environnement, qui est dénoncée tant par les personnes intersexes, les personnes LGBTQ+ qui subissent encore des pressions à rester au placard ou ne pas transitionner, que par nombre de personnes handicapées – que le handicap soit physique, évolutif, sensoriel, neurocognitif, psychique. L’idée n’est pas de rejeter toute aide médicale et intervention thérapeutique, mais de repenser le but de celles-ci, de contextualiser les questions de santé et bien-être, et de replacer l’individu au centre des décisions qui le concernent.
Comme les personnes intersexes ne représentent pas un sexe ou un genre à part et peuvent comme tout le monde s’identifier comme homme, femme, non-binaire ou autre, être cisgenre ou transgenre, et avoir toutes sortes d’orientations sexuelles, romantiques ou relationnelles, elles sont de toutes façons concernées par la communauté et les luttes LGBTQA+. Mais si, en plus, on ajoute le I au sigle et qu’on insiste sur l’importance de prendre en compte et soutenir les luttes spécifiques des personnes intersexes, c’est parce que les maltraitances auxquelles elles ont été soumises sont directement liées au système patriarcal qui cherche à naturaliser l’idée qu’il existerait deux sexes, binaires, complémentaires, définis par les capacités d’accouplement et de reproduction ; le même système qui pathologise et marginalise la diversité des sexualités, identités de genre et modes relationnels. Et ce système de classification et définitions des sexes, genres, sexualités, est lié aux autres définitions de ce qui serait un corps « normal », « sain », et « bon ».
4. Sortir d’une norme unique
Utilité et limites des catégorisations
La majorité des revendications intersexes ne vont pas dans le sens d’une naturalisation de la catégorie « intersexe » ou « intersexuée » : ces personnes savent, pour en avoir fait l’expérience dans leur chair (hélas), que les corps et les données biologiques brutes font toujours l’objet d’interprétations sociales / idéologiques, et ne sont définis qu’en lien avec leur contexte d’existence, que par rapport à une norme de référence. Ce qui lie ces personnes entre elles, c’est davantage les discriminations vécues et leurs buts politiques communs qu’un corps en soi. Dans ces luttes est sans cesse remis au centre le droit à l’autodétermination et au respect de l’intégrité corporelle, mais sans prétendre pouvoir déterminer de règles absolues pour tout individu ou situation d’intersexuation. Est ainsi évité l’écueil dans lequel ont fini par se coincer certaines des luttes LGBT, qui ont répondu à la pathologisation des sexualités et des identités de genre en proposant des catégories, vocabulaires et concepts qui s’y opposent, mais qui figent et essentialisent tout autant les identités, et cherchent à évincer la diversité et richesse des vécus queers. Or, c’est justement un effet des systèmes de domination que de figer des groupes sociaux et identités dans une certaine définition, essentialisant des identités sociales mouvantes et complexes, présentant un groupe comme homogène, et recréant à la moindre exception des sous-groupes et des hiérarchies. Redéfinir autrement la catégorie qui nous a été assignée a un sens à un moment donné, dans un but pragmatique de réinterprétation de son vécu, de construction d’une communauté, et d’obtention de certains droits. Pouvoir trouver une « étiquette » identitaire pour soi-même peut être salvateur et ne doit pas être empêché. Cependant, comme le souligne la philosophe, psychologue et militante antivalidiste Charlotte Puiseux dans son livre De chair et de fer (2022) en faisant un parallèle entre luttes féministes et luttes handicapées, il est « indispensable de ne pas essentialiser ces définitions et de ne jamais perdre de vue le fait qu’elles dépendent d’une position sociopolitique à un moment historique donné. Elles peuvent en effet devenir des carcans étroits, reproduisant des phénomènes d’exclusion dévastateurs. Il est primordial de les interroger constamment et de les replacer dans un système de pensée où se jouent des rapports de pouvoir à différents niveaux : entre la catégorie définie et l’extérieur, mais aussi au cœur même de la catégorie »61. Par exemple, comme le rappelle l’auteur fol et trans Dandelion dans un dialogue avec la youtubeuse trans Yuffy62, défendre les droits d’un large groupe social en argumentant qu’on est « born this way », que ce n’est pas un choix, que l’on ne change pas, que l’on a toujours su, que l’on est à 100 % quelque chose, que ça n’a rien à voir avec des traumatismes ou une maladie, et autres discours typiques de la défense de l’homosexualité comme de la transidentité, c’est une faille stratégique, parce que cela conditionne l’acceptation et surtout la justice sociale à la capacité à adhérer à ces narratifs. Or ces narratifs représentent, certes, l’expérience et le ressenti de beaucoup de personnes… mais de loin pas toutes. Celles qui n’y collent pas ou qui mettent en danger les contours nets de ces définitions ne trouvent leur place ni dans les communautés, ni dans les luttes censées défendre leurs droits. Or, ce qui est commun et à l’origine de notre marginalisation, ce sont les normes structurant notre société. On peut y répondre en créant des contre-normes, qui risquent de hiérarchiser et exclure à leur tour… ou en continuant à questionner le principe même de norme pour ce qui concerne les vécus humains. C’est justement, rappelle Charlotte Puiseux, ce que proposent « les réflexions issues des théories queer et crip [qui] peuvent nous aider à penser la fluidité des termes et des concepts et à ne pas les ériger en modèles universels et intemporels ».
Du queer au crip : une pensée profondément subversive
Cette prise en compte de la nature fluide des catégories ainsi que des rapports de pouvoir a en effet aussi émergé des luttes des minorités sexuelles et de genre. Les mouvements et théories queer avaient permis de remettre profondément en question les normes sexuelles, de genre, et relationnelles, en proposant « non pas d’étudier les comportements et identités marginales à partir du point de vue de la norme, mais plutôt de développer un point de vue à partir de la marge qui permet de remettre en question cette norme »63. La norme est comprise comme structurante socialement et politiquement, c’est-à-dire permettant la répartition du pouvoir, l’organisation de hiérarchies. « Queer », on l’a mentionné plus haut, est la réappropriation d’une insulte qui visait toustes les déviant·es des normes de genre et associait à la perversité. À partir des années 1980, ce terme fait de plus en plus l’objet d’un investissement militant et conceptuel : il s’agit de critiquer et de sortir des binarités (homme / femme, hétérosexualité / homosexualité), en proposant de penser les genres, sexualités, relations, et leur performance comme fluides, évolutives, multiples, bref pas réductibles à une définition et une catégorie fixe. Les différents mouvements queer sont critiques des mouvements LGBT plus traditionnels qui ont abouti à une naturalisation de l’homosexualité qui ne remet finalement pas en question l’ordre social inégalitaire et cishétéronormatif. Ce sont aussi les mouvements et penseureuses queer qui restent vigilitant·es face à la récupération des luttes LGBT+ par les politiques de droite. Ces mouvements s’incarnent dans différentes expériences sociales, politiques, artistiques liées à des pratiques transgressives de représentation de soi (dans la performance artistique, la pornographie, une expression de genre qui ne se plie pas aux attentes binaires) et à des organisations communautaires autogérées qui se confondent souvent avec les milieux anarchistes, punk, et des squats. Le mouvement et les concepts queer sont initialement par nature intersectionnels, en ce qu’ils critiquent « tout système de normes qui tend à une hiérarchisation des pratiques humaines. […] Ces régimes de normes ne sont pas vus comme structurant uniquement ce qui a directement trait au genre ou à la sexualité, mais comme des structures de pouvoir qui organisent plus globalement la société »64. Et de nombreux écrits de « queers of colour »65 pensaient – bien avant la diffusion et le blanchiment des théories queer dans le milieu universitaire – une déconstruction des binarismes et des catégories de genre et sexualité qui prenait en compte les multiples autres facettes de l’identité d’une personne66.
D’ailleurs, instinctivement, beaucoup de personnes marginalisées en raison de leur corpulence, leur couleur de peau ou origines et appartenance ethnique présumée, leur handicap physique ou cognitif, vont se sentir représentées par ce terme de « queer » aussi en ce qui a trait à leur sexualité et leur conception de leur genre, bien que « en apparence » pouvant entrer dans les cases hétéro-cis ; parfois en se rapportant au sens littéral de queer, parce que l’on est justement « tordu » (physiquement handicapé) ou étrange / différent.
« La signification de l’identité queer [Queerness] telle qu’on la conçoit généralement tend à vouloir dire : ne pas se reconnaître dans l’hétéronormativité ou la cisnormativité […] Mais le handicap et la race ne vont-ils pas à l’encontre de l’hétéronormativité et de la cisnormativité ? Je suis une femme noire bisexuelle et trans. Si j’avais été un homme noir cishétéro, je suis quasiment sûre que l’hétéronormativité et la cisnormativité auraient été pour moi des barrières à cause du handicap […] Comment mon identité noire et la racialisation de la masculinité noire entrent-elles en conflit avec les conceptions dominantes de la cishétéronormativité ? »(citation anonymisée, traduite de l’anglais, dans les travaux de Justine Egner,repris par Marion Coville & Mélanie Lallet, 2023)67
« Cette identité [queer] me semblait à moi-même assez évidente, et les propos de mon amie m’ont rassurée : selon elle, le terme « queer » ne se limite pas à une question de genre et/ou d’organes génitaux des partenaires ; à partir du moment où l’on dévie des normes, on n’est plus vraiment « straight » […]. La déviance par rapport aux normes telle que nous la vivons en tant que personnes handicapées, tout comme les personnes racisées, les travailleuses du sexe, les polyamoureuses ou autres « déviantes », nous fait entrer directement dans la catégorie des queers. » (Charlotte Puiseux, De chair et de fer, 2022)
Le terme « queer », utilisé en anglais aussi comme verbe et comme substantif désignant une action (« queering »), qui peut signifier plus largement « subvertir », « questionner les normes », « réinventer », a été utilisé pour penser d’autres articulations de modalités d’être marginales et portant un potentiel social révolutionnaire, comme on peut le voir dans la pensée autour de la « neuroqueerité » (« neuroqueer », « neuroqueering »), proposée par des personnes autistes/neurodivergentes & queer pour penser de manière intrinsèquement liée et simultanée les identités personnelles et la déconstruction des binarismes de genre, de handicap et de neuro-normativité68.
Malheureusement, s’il y a probablement toujours eu sur le terrain des communautés queer diverses et inclusives, les théories développées dans les milieux académiques et les pensées / écrits les plus diffusés ont persisté à exclure de leur réflexion les personnes handicapées et folles et leurs expériences diverses du genre et de la sexualité69. Encore aujourd’hui, certains des milieux et personnes qui se disent les plus « déconstruites » conservent souvent cet angle mort – leur validité jamais conscientisée :
« Les textes que je parcours [sur un site nommé “gendertrouble”] sont composés de codes gestuels valides, implicites et construits. Toute cette gestuelle non dite, d’évidence conforme, à lire entre les lignes, voire en plein dedans, n’est questionnée nulle part dans ce que j’ai pu lire de vous-mêmes qui prétendez justement déconstruire la pratique de vos corps et vos désirs. […] Moi et mon corps handi, immobile et ultrasensible de plaisirs et de douleurs, on n’a pas grand-chose à déconstruire ; parce que cette société est architecturée pour les valides, configurée pour leurs corps efficaces, cadencée pour leurs mouvements équilibrés, accessibilisée pour leurs rencontres et constats, organisée pour leurs plaisirs. » (Zig Blanquer70, 2006, repris dans Nos existences handies, 2022)
C’est en réaction à cet angle mort constant – aussi dans les études de genre issues de pensées féministes – que des personnes handicapées71 ont développé une pensée autour du « crip » qui croise les apports du queer et des disability studies72, tout en le vivant concrètement via des pratiques artistiques, militantes, communautaires)73. Comme « queer », le mot « crip » vient d’une insulte, du terme « cripple » qui signifie « estropié, éclopé, boiteux, infirme » et est utilisé avec beaucoup de mépris et dégoût contre les personnes avec un handicap physique visible. Les réflexions autour de la notion de stigmate74, ainsi qu’autour des questions de désir, d’esthétique, de sexualité, de représentation des corps, sont très importantes dans ces mouvements et théories. « Crip » est une identité et une pensée revendiquée d’abord par des personnes handicapées multi-marginalisées, queer et racisées, souvent pauvres et/ou grosses, qui avaient été effacées des premiers mouvements militants handicapés. Comme le queer, le crip opère une remise en question des catégories, de leur hermétisme et de leur fixité. Contrairement à ce que l’origine du mot pourrait laisser entendre, cette pensée inclut de manière centrale la réflexion sur la notion de visibilité ou invisibilité du handicap, les maladies chroniques, la fluctuation des états et capacités, les neurodivergences et troubles psychiques, le cumul de conditions. Le crip permet de penser le handicap en articulation avec d’autres identités ou positions sociales, mais aussi comme un continuum et une pluralité d’expériences et identifications possibles, contre une conception figée du handicap versus validité. C’est-à-dire qu’on peut être à la fois valide et handicapé, à des degrés divers, selon le moment, la situation, et les capacités évaluées. Les catégories (« en situation de handicap », « handicapé·e », ainsi que les diagnostics spécifiques et le calcul de besoins d’assistance et d’aménagements) ont un intérêt pragmatique dans une société inaccessible, excluante, et qui ne prévoit pas de base de répondre aux besoins fondamentaux de toustes ses citoyen·nes ; mais la réalité du vécu des personnes handicapées ne rentre pas proprement dans ces cases, et c’est utile à la fois pour la construction identitaire et pour l’imagination d’autres formes d’organisation sociale et politique que de mettre en évidence ce que ces catégories ont d’instable, de poreux, de relatif.
Remettre en question la norme valide
Dans les discours de groupes radicaux de lesbiennes et d’hommes homosexuels des années 1970, par exemple en France au sein du F.H.A.R75. ou chez les Gouines Rouges, on retrouve souvent l’idée qu’être homosexuel·le est révolutionnaire, parce que ça remet en question l’hétérosexualité comme régime politique, ça challenge les normes de genre, et ça amène à désobéir à l’injonction de créer une famille nucléaire (normée) et produire des enfants (au service du capitalisme). En fait, comme l’évolution des luttes et la dépolitisation d’une partie de la communauté LGBT l’ont bien montré, « être » quelque chose n’est pas révolutionnaire en soi. Mais effectivement, qu’il existe des personnes qui ne correspondent pas aux normes ET qui rejettent la criminalisation / la pathologisation / l’infériorisation, ça menace la fiction d’une manière d’être humain plus « naturelle » et plus légitime que d’autres. Et ainsi, tout comme les mouvements queer, qui rappellent les origines plus radicales des mouvements LGBT (et se retrouvent dans le milieu francophone européen aussi sous le nom de « transpédégouine »), permettent de mettre en évidence et dénoncer la norme cishétérosexiste et ses implications sociales et politiques, le crip et les mouvements de justice anti-validiste qui y sont associés permettent de montrer qu’il existe une norme valide qui n’a rien d’un « naturel » universel, intemporel, et évident. Autrement dit, le handicap n’est pas « une variable autonome du monde social, subordonné à des anomalies biologiques aléatoires »76, mais est le résultat d’une construction idéologique, liée à des normes médicales, qui s’exprime ensuite dans l’organisation sociale et l’aménagement matériel de nos espaces publics, transports, bâtiments, objets quotidiens, etc., qui excluent certaines personnes et renforcent ou créent des différences de capacités. Bien sûr, les différences corporelles, cognitives, de capacités et d’aptitudes existent : mais la manière dont on les considère, classe, accepte ou rejette est, elle, l’objet d’une construction sociale et d’une organisation politique, ce qui impacte aussi à quel point on remarque et attribue de l’importance aux différences – et à quelles différences plutôt que d’autres on donne une signification. Ainsi, le validisme, ce n’est pas juste les violences envers les personnes handicapées, c’est d’abord l’établissement de tout un tas de normes et valeurs – ou, comme le formule Fiona Kumari Campbell, chercheuse importante dans le champ des disability studies :
« un réseau de croyances, de processus et de pratiques qui contribuent à produire une norme corporelle, correspondant à des caractéristiques spécifiques mais qui se trouvent projetées comme la manière d’être parfaite, typique de l’espèce et finalement la seule pleinement humaine. Le handicap est alors présenté comme une forme altérée d’humanité. »77
Et c’est le fait d’identifier des formes plus ou moins désirables d’humanité qui justifie alors « la différenciation, le classement, la négation, l’identification et la priorisation des vies »78.
Démontrer que quelque chose qui paraît comme une évidence, un fait incontestable et éternel, une donnée fixe dans le temps et l’espace, est en réalité une norme située et dont on peut retracer la construction, c’est non seulement remettre en question la naturalité de cette norme, mais aussi questionner sa légitimité et supériorité. Les inégalités et discriminations découlent du fait qu’on considère comme évident et justifié par l’ordre « naturel » qu’être handicapé·e est inférieur au fait d’être valide, en effaçant ce que ces catégories et leur hiérarchie ont de construit et de relatif à une certaine organisation sociale ; tout comme on considère comme allant de soi et justifié par l’ordre naturel qu’être hétérosexuel·le et cisgenre serait plus « normal » que de ne pas l’être.
« La reconnaissance de handicap est administrativement basée sur la faille des déficiences et des incapacités, et c’est ainsi que la diversité généralement s’énonce au fil des paroles quotidiennes : déficits malheureux, manques, frustrations, autant d’indices qui plaideraient pour le regret d’être soi. Dans cette optique, les modalités d’être handies seraient matière à compenser. La reconnaissance des formes de la diversité n’inviterait-elle pas, au contraire, à promouvoir la légitimité de normalités multiples ? » (Zig Blanquer, 2012, dans Nos existences handies, 2022)
En ce qui concerne notre conception moderne du handicap, elle est indissociablement liée au contexte capitaliste et à la définition des autres catégories sociales infériorisées. La définition du corps valide et capable est liée aux attentes, cadences, cadres de vie et de productivité d’une nouvelle organisation du travail, et d’une structuration de la société autour de ce modèle économique. Le capitalisme et les inégalités sociales agencent aussi le handicap en soumettant certaines populations davantage que d’autres à des conditions de vie et de travail, ainsi que des possibilités de soin et d’aménagements matériels, qui produisent et/ou renforcent maladies et incapacités. Talila A. Lewis, activiste et artiste Noir·e, queer, handicapé·e, non-binaire, propose ainsi comme définition (évolutive au fil du temps et du contexte, et pensée avec d’autres personnes) du validisme :
« un système d’assignation de valeur aux corps et esprits, basé sur des conceptions socialement construites de la normalité, la productivité, la désirabilité, l’intelligence, l’excellence, et la forme physique. Ces conceptions construites sont profondément ancrées dans l’eugénisme, le racisme anti-noir·es, la misogynie, le colonialisme, l’impérialisme, et le capitalisme. Cette oppression systémique amène les gens et la société à déterminer la valeur des personnes en fonction de leur culture, leur âge, leur langue, leur apparence, leur religion, leur lieu de naissance ou de vie, leur état de “santé” ou “bien-être”, et/ou leur capacité à convenablement produire, se reproduire, “exceller” et “bien se tenir”. On peut faire l’expérience du validisme sans être handicapé·e. »79
Dans les mouvements de revendications politiques queer et crip – qui vont de pair avec les mouvements antiracistes décoloniaux et le militantisme gros / anti-grossophobie –, il ne s’agit pas seulement de remettre en question l’idée qu’il existerait un corps « modèle », plus normal que d’autre, plus naturel que d’autres, et jugé « bon » moralement, en opposition au corps/esprit « déviant ». Il s’agit surtout d’affirmer la nécessité d’une justice sociale quel que soit le corps, les capacités, l’état de santé, la « sanité » mentale. Le problème que pose le système dans lequel nous vivons, ce n’est pas juste la pathologisation de groupes sociaux et d’identités : c’est qu’il associe le fait d’être malade, déficient·e, handicapé·e, fol80, à un moindre accès aux droits fondamentaux. Le validisme inhérent à « l’histoire des queers », mais aussi l’histoire coloniale, le traitement des corps gros, l’exploitation des classes sociales défavorisées, la place des enfants et des personnes âgées dans nos sociétés, etc., c’est surtout ça : considérer qu’être malade, déficient·e, moins capable ou productif (selon certains standards), justifie d’être maltraité·e et privé·e de droits fondamentaux.
5. Partir des marges pour mener les luttes
« La normalité est, en fait, un idéal inaccessible qui maintient béante une faille identificatoire car personne ne peut jamais être complètement normal. Les militantes handicapées, en revendiquant leur impossibilité à atteindre cette normalité, proposent d’imaginer de nouvelles configurations sociales, une nouvelle sphère publique, de nouveaux liens sociaux, qui ne feraient pas reposer la participation à la vie sociale sur les capacités. » (Charlotte Puiseux)81
Changer de paradigme
Non seulement la norme valide, masculine, cishétéro et dyadique82, blanche, bourgeoise, mince, etc. ne représente qu’une minorité numérique d’individus et est hors de portée pour la majorité d’entre nous – mais elle ne représente pas forcément non plus l’idéal de tout le monde. Ces normes servent un système capitaliste, mais si on adhère à d’autres valeurs, est-ce qu’on s’y retrouve ?
Comme le note Charlotte Puiseux83, « le capitalisme apparaît comme incompatible avec les corps handicapés : il ne l’est pas avec le corps humain en général ». Ce système économique « fondé sur l’exploitation de la force de travail, la compétitivité, l’endurance à l’effort de production, la flexibilité, […] exclut d’emblée les corps handicapés de ce qui est valorisé et valorisable » : mais justement, ces corps handicapés à moindre tolérance et moindre adaptabilité à un système au final oppressif et ravageur peuvent devenir une bonne jauge de ce qui serait acceptable et bénéfique ou non pour tout corps et toute existence.
Tout en étant obligé de vivre globalement dans un système qui nous opprime, on peut s’imaginer et mettre en place dans certains espaces ce que ça donnerait de jouer selon d’autres règles – ou même carrément de jouer un autre jeu. De la même manière que tout le monde, LGBTQIA+ ou pas, peut vouloir sortir d’une norme hétérosexiste des relations sexuelles, amoureuses, et familiales, pour vivre selon des configurations qui nous correspondent mieux et servent nos propres valeurs, on peut de même repenser le travail, les tâches du quotidien, l’entraide, le soin, l’aménagement de l’espace, selon d’autres standards que ceux valid(ist)es, avec d’autres objectifs en tête que la performance, la croissance économique, la production capitaliste. On peut redéfinir ce qui, pour nous, détermine l’humanité, sans distinction de légitimité et de supériorité selon les manières d’être humain, et redéfinir ce que nous voulons comme société, quels buts communs nous poursuivons. On peut penser la diversité des corps, perceptions, motricités, désirs, comme inhérente à l’humanité ; on peut remettre l’interdépendance et la vulnérabilité au centre de notre manière de penser la société et le lien entre êtres humains, mais aussi le lien à l’environnement. Si on considère nos vies, notre vivre-ensemble, nos luttes, notre avenir commun, sous un autre référentiel que celui du système capitaliste néolibéral qui est aussi validiste, sexiste et raciste, on se rend compte que les personnes handies, folles, transgenres, intersexes, queer, grosses, racisées, dont les corps et les existences ont été marginalisés, isolés, dé-capacités, détiennent en fait des savoirs et compétences précieux pour la société84. Le mouvement de Disability Justice85, lié à la culture crip, propose dans un de ses principes fondamentaux de partir des expériences, capacités et besoins des personnes les plus impactées par les systèmes de domination pour repenser nos cadres de référence et nos moyens de luttes.
Enrichir nos imaginaires
Sortir du référentiel dominant, créer un autre terrain de jeu, ça passe aussi par le partage d’autres imaginaires : dans les mouvements de revendication et célébration des identités et vécus queer, comme le mouvement crip, mais aussi les mouvements de fat liberation et bien d’autres, la création et l’expression artistique est centrale. Comme le rappelle la performeuse No Anger, interrogée dans un podcast qui s’intéresse aux représentations du handicap dans les fictions, « un des mécanismes de domination consiste à enfermer les corps dominés dans des narrations qui les réduisent, au final, à un seul aspect fantasmé. […] C’est le regard du dominant qui crée et impose une narration, que les corps dominés subissent »86. Produire d’autres narrations et porter d’autres imaginaires, qui non seulement viennent contrer les représentations hégémoniques du handicap et des corps « déviants » plus généralement, mais viennent aussi casser l’idée qu’il existerait des groupes sociaux monolithiques, homogènes, et fixes, est ainsi une manière très concrète de lutter et de se libérer des structures de pensée imposées. C’est même, comme le fait remarquer au cours du même podcast Michaëla Danjé, femme trans noire, co-fondatrice du collectif Cases Rebelles87, à propos des spectacles conçus et présentés par Sins Invalid, « une forme d’attentat à l’ordre validiste du monde. C’est évident que la production artistique en autonomie handie, ça produit quelque chose de révolutionnaire. Parce que le fait est qu’on attend des corps noirs, comme on attend des corps handis et donc à plus forte raison des corps handis non blancs qu’ils soient divertissants pour être acceptables ». Ainsi, ces spectacles, comme d’autres formes de création artistique autonome de personnes marginalisées, permettent de « libérer temporairement un espace, des imaginaires, et inverser, ne serait-ce que le temps de la performance, l’ordre établi ». La réflexion portée par la troupe Sins Invalid met particulièrement en avant l’importance de montrer et raconter son corps et son histoire hors des cadres de pensée – des mots, des structures de narration, des modes de représentation – imposés par l’imaginaire validiste, hétérocisnormé, et colonial : c’est une véritable stratégie de libération, qui permet une reconnexion à soi et aux autres, qui permet de faire concrètement l’expérience d’autres possibles.
« Les idées de handicap et de beauté, ou de handicap et de pouvoir ne vont généralement pas de pair. D’une certaine façon les personnes handies ont toujours été considérées comme les dépositaires culturels de la peur que les gens ont de leur propre corps, des parties non-désirées de leur corps, de leur mortalité, de ce que ça signifie que leur corps ne fasse pas exactement ce qu’on attend de lui. Les gens prennent tout ça et le projettent sur nous. Donc le monde théâtral est un endroit où les gens, les artistes sur scène, décolonisent. Ils court-circuitent ce récit et à la place articulent un récit de la beauté, de pouvoir, de l’amour de soi qui affecte non seulement les artistes, mais toutes les personnes qui regardent, qui sont intégrés dans ce même récit. » (Patty Berne, interrogée et traduite par le collectif Cases Rebelles, 2014)88
Et les formes d’exploration artistique visuelle et performatives de personnes handicapées peuvent bien se lier avec celles qui ont été développées dans les cultures queer, comme le montre par exemple le succès grandissant de la pratique du drag et des dragshows89, qu’investissent désormais de manière consciente et assumée des personnes handicapées et/ou neurodivergentes90. Tout récemment en France, le collectif Ostensible – qui organisait déjà colloques, expositions, recherche et création dans les champs des études sur le handicap et de l’art contemporain – a pu en collaboration avec d’autres collectifs et associations féministes, queer, antivalidistes, organiser à Paris une première soirée artistique et festive « crip et queer » (sous-titrée : « corps déviants en teuf ! »)91, un impensé il y a quelques années. La création et le partage de nouveaux imaginaires, c’est aussi, tout simplement, comme le fait systématiquement Hermine (animateurice du podcast H comme Handicapé·e·s), et comme nous le faisons entre ami·es, pouvoir se recommander des séries, films, spectacles, écrits littéraires, représentations visuelles, créées par et/ou représentant des personnes handicapées bien plus diverses, complexes et nuancées que le sont les représentations dominantes du handicap créées par des personnes valides. C’est aussi réexplorer et remettre en avant des figures historiques (politiques, artistiques, intellectuelles) oubliées ou dépouillées au fil du temps de leur complexité, leur subversivité ou leurs contradictions – la figure de Frida Kahlo92, entre autres –, comme le fait par exemple la youtubeuse (britannique) handicapée, sourde, lesbienne, Jessica Kellgren-Fozard, passionnée d’histoire et d’analyse des médias, avec des portraits historiques de personnalités handicapées et/ou LGBTQIA+. C’est redonner de la visibilité aujourd’hui à des textes écrits hier, en les re-publiant sur une nouvelle forme papier ou sur internet, en traduisant enfin en français des textes majeurs qui n’avaient pas dépassé la sphère anglophone, ainsi qu’en mettant en avant les fictions écrites par les activistes dont on connaît surtout les écrits théoriques – comme le fait entre autres l’autrice et militante Harriet de Gouge93, ou d’autres militant·es individuelles ou en collectif qui s’appliquent à raconter les luttes et les existences handicapées diverses, queer et crip (voir notamment le travail d’Elijah Djaé et son blog Kriptique ; le travail de la collective d’artistes, auteur·ices et militant·es handiqueer Les Handi·es Tordu·es sur Instagram ; la Handithèque de Charlotte Puiseux ; le compte Instagram Raplapla et porte-voix ; ou encore Crashroom.ooo, une plateforme de traduction consacrée au handicap, à la neurodiversité et aux pratiques de l’accessibilité)94.
Porter des revendications communes
Bien que nous ayons critiqué l’inaccessibilité de certains milieux ou groupes LGBT+ ainsi que l’exclusion ou l’effacement de personnes handicapées, malades, toxicomanes, et/ou racisées de l’histoire des luttes et des écrits académiques queer, nous savons que les solidarités, les ponts et la fusion entre les groupes et les luttes continuent aussi à exister et à se renouveler aujourd’hui.
Patty Berne, une des fondatrices de Sins Invalid aux États-Unis, raconte que leurs initiatives autour de l’idée de Disability Justice ont finalement été bien accueillies au sein de milieux et organisations queers. Selon elle, « les activistes au genre non-conforme et trans ont à bien des égards préparé le terrain au sein du militantisme queer pour une compréhension de la justice handie », parce que tout comme « le problème n’est pas notre corps de handiEs, le problème c’est la construction sociale qui dévalorise nos vies – ce qu’on appelle le validisme. De la même manière […] beaucoup de gens qui ont milité par rapport au fait d’avoir un genre non-conforme ont considéré que le problème n’était pas leur corps mais bien la binarité des genres, car c’est ça qui est problématique »95.
En France, c’est No Anger96 qui, revenant en 2023 sur la rencontre avec Lucie Camous et leur création d’Ostensible97, rappelle l’importance qu’a eu la pensée féministe & queer pour l’émergence de sa pensée anti-validiste, et l’impact déterminant des rencontres avec des personnes trans et plus largement queer :
« C’est assez significatif, je trouve, que l’on se soit rencontré-x-s par le biais des représentations du corps, et qui plus est du corps queer. Là encore, les questions queer et féministes ont précédé celle de l’antivalidisme et la politisation de mon expérience handicapée. […] Pour la première fois, j’ai pu nommer et appréhender ces sensations du corps monstrueux. Et puis, il y a eu mes relations avec deux amies qui commençaient à transitionner. [Et] c’est avec P., une de mes deux amies, que j’ai apprivoisé la danse. […] L’adelphité c’est primordial, je crois : on ne se sent plus seulx, on ne se sent plus (trop) monstrueuxse, parce que justement, on découvre que certaines catégories de personnes l’éprouvent aussi. »98
En effet, les liens entre différentes formes d’oppression peuvent être plus faciles à comprendre et à ressentir quand on remet au centre la question du corps. Les corps qui ont fait l’objet d’une entreprise idéologique de catégorisation et de pathologisation dans le but de naturaliser et justifier les hiérarchies et l’exploitation. Les corps sur lesquels s’exercent le pouvoir médical et qui, parce qu’ils sont féminins, intersexués, gros, trans, noirs, handicapés, risquent bien davantage de vivre des violences là où on devrait recevoir des soins. Les corps auxquels le capitalisme ne donne une valeur qu’en fonction de leur capacité de (re)production et d’adaptation à des conditions de travail qui ne sont bonnes pour personne. Les corps qui sont vus comme étranges, menaçants ou monstrueux, les corps qui attirent les regards, inspirent pitié ou horreur. Les corps qui sont considérés comme sacrifiables et qui sont effectivement plus négligés, blessés, voire tués, que d’autres.
Nous l’avons évoqué dès la première partie, les revendications des luttes LGBTQIA+ et celles des luttes handicapées se rejoignent, en ce qu’elles mettent au centre le principe d’autodétermination, c’est-à-dire la capacité et possibilité de librement faire des choix sur ce qui nous concerne, en particulier en ce qui concerne son corps (autrement dit, l’autonomie corporelle). Mais l’autodétermination, pour un peuple, un groupe, ou un individu, c’est plus largement la possibilité de développer ces capacités de choix et action, le fait d’avoir accès aux ressources matérielles essentielles, le droit d’être en sécurité, le droit d’être soigné·e, et ce sont au final des principes qui concernent tous les groupes sociaux discriminés.
Comme le rappelle en détails le manifeste de la dernière Pride radicale de Paris, l’autodétermination, c’est tout autant « le droit de vivre pleinement et librement nos identités de genre et nos transitions, sans restrictions ni intrusions extérieures », « être libre de pouvoir s’exprimer, de choisir comment l’on veut vivre et se soigner », « la fin de la criminalisation du travail du sexe, l’autonomie et la protection dans la pratique de ces métiers », « l’accessibilité dans les soins, les déplacements quotidiens, les lieux de vie et de survie, de sociabilisation, d’éducation et de santé », « pouvoir exister dans l’espace public sans avoir peur des violences d’État », que « le droit de se nommer soi-même, en tant qu’individu ou en tant que communauté minorisée au sein de la société »99. Et si autant de personnes et groupes sont privés de l’accès aux ressources, à la sécurité, au respect et aux possibilités d’autodétermination, c’est parce que c’est la même organisation politique et économique qui est à l’origine des inégalités sociales actuelles.
Ainsi, parallèlement à la reconnaissance des différences de vécus, de besoins, de formes de discriminations vécues et de possibilités d’accès au pouvoir, on peut veiller à maintenir et conserver des passerelles entre les luttes plutôt que de les penser de manière séparée et hiérarchisée. C’est ce que revendiquent aussi les alternatives aux Pride LGBT+ officielles ces dernières années, les initiatives de Pride alternative, radicale, « vénère » (Bruxelles), transpédégouine (Liège)100, décentrée (comme la Pride des banlieues en France, région parisienne), qui ne protestent pas seulement contre la récupération politique (de droite et oppressive) des luttes LGBTQIA+, mais réaffirment l’importance centrale des personnes les plus marginalisées, celles qui sont le plus impactées par les oppressions systémiques et qui détiennent le plus de savoir d’expérience sur les mécanismes d’oppression et les outils de libération commune.
Conclusion
En commençant cette étude, nous nous demandions, face aux représentations majoritaires, aux politiques publiques, au travail d’associations ou services institutionnalisés, pourquoi la diversité de genre, de sexualités et de vie relationnelle de personnes handicapées était si peu pensée, et ce dans un pays qui, bien que loin d’être débarrassé de normes hétérocissexistes, est tout de même plus avancé en termes de droits de personnes LGBTQIA+ que la plupart de ses voisins européens. Nous nous demandions aussi pourquoi spécifiquement dans certaines luttes encore à mener, par exemple la défense des droits des personnes trans (récemment acquis et encore insuffisants, fragiles et menacés), il y avait un oubli voire un rejet de l’existence de personnes handicapées et / ou neurodivergentes transgenres, pourtant nombreuses.
Nous savions déjà qu’est inscrite dans nos imaginaires et dans l’organisation sociale une certaine idée de ce qui représenterait l’humain « normal » : on continue majoritairement à conceptualiser un individu comme par défaut valide, cis-hétéro, blanc, souvent masculin – et voir le reste comme des particularités ajoutées, des à-côtés anecdotiques et qui ne peuvent pas être trop nombreux. Ça ne concerne pas que le handicap : l’impensé et l’exclusion concernent tout corps, identité ou vécu social qui s’éloigne de cette norme.
Afin de mieux comprendre d’où viennent les contours de cette norme et afin d’en contester la naturalité, nous avons fait quelques détours : des détours par l’histoire commune d’oppression et de luttes pour l’émancipation, et des détours par la dénonciation de la médecine et psychiatrie en tant qu’organes de pouvoir et institutions oppressives, opérant au sein d’un système capitaliste qui se nourrit des inégalités sociales. Nous avons aussi voulu, non pas se borner à condamner moralement des attitudes validistes et psychophobes dans certains groupes et luttes, mais comprendre : comprendre ce que sont la pathologisation et la criminalisation comme procédés de création d’une altérité qui justifierait la marginalisation et l’infériorisation ; et comprendre comment ce système catégorise, divise, pousse à la concurrence et non à l’alliance.
Ces détours étaient nécessaires pour mieux comprendre pourquoi les lieux de soins continuent d’être ambivalents voire risqués pour beaucoup de personnes ; pourquoi même dans des groupes qui luttent contre leur pathologisation, on peine à aborder les autres situations de médicalisation sous le même prisme politique ; pourquoi on continue dans la recherche, les politiques publiques, les initiatives socio-culturelles, à traiter séparément des problématiques qui vont ensemble, et à penser comme subsidiaires des expériences de vie et des revendications qui sont en fait centrales.
Ces détours nous ont ainsi également permis d’observer des histoires toujours similaires de luttes sociales. Des luttes qui lient des personnes différentes touchées par une même discrimination, mais aussi des luttes qui semblent toutes évoluer de la même manière : les plus privilégié·es qui finissent par se désolidariser, la mise en récit qui efface la centralité initiale des contributions de personnes racisées et d’autres groupes parmi les plus stigmatisés.
Ce que nous en concluons, c’est que la séparation des identités et expériences de vie marginales, la dépolitisation des questions de handicap et de santé, la reproduction des hiérarchies au sein des luttes, ce ne sont pas des erreurs du système, des oublis ou des dysfonctionnements : c’est ce qui était prévu, c’est ce qui a été pensé et construit afin de maintenir et renforcer le système en place, et que nous reproduisons en partie inconsciemment. Au lieu de nous décourager, ce constat pourrait nous libérer d’injonctions contradictoires et d’aspirations vouées à l’échec, nous permettre de renforcer les solidarités entre les luttes, et nous rappeler que d’autres manières de faire sont possibles, dès lors qu’on met au centre d’autres valeurs et objectifs. Parce qu’en réalité, les représentations, réflexions, créations, manières de fonctionner en société, qui prennent en compte les vécus complexes et à l’intersection de plusieurs identités sociales stigmatisées existent déjà, n’ont jamais cessé d’exister. Elles sont juste moins mises en avant et moins connues, elles échappent parfois au vocabulaire et aux cadres de pensées dominants.
Alors, comme le conclut Elijah Djaé dans un article qui parle de l’identité complexe trans, fol et noire, « il ne s’agira alors peut-être pas de se lier mais plutôt de se re-lier entre communautés ayant partagé des luttes passées », et aussi, personnellement, « de se relier en soi-même en tant que trans·fol pour ne plus avoir à rejeter l’une ou l’autre de ces identités »101. Son article qui parle de vécu trans peut s’appliquer plus largement, comme le font aussi d’autres de ses écrits, à toutes les identités queer :
« que l’on soit trans ou fol, ce système nous contraint toujours au même « idéal : “le rétablissement” [ou] la guérison qui aboutit au passing (valide et/ou cisgenre) ». Alors pourquoi ne pas se rejoindre à l’intersection ? Pourquoi ne pas envisager les identités trans·fols comme un moyen de résister doublement aux injonctions à la normativité, qui riment souvent avec blanchité, cishétéronormativité et rationalité ? »
C’est aussi ce que notait Charlotte Puiseux, avant de découvrir le mouvement crip :
« Une réelle prise en compte du handicap dans le champ queer était nécessaire : le percevoir comme potentiel trouble à l’ordre public contribuerait à en faire un moteur de révolution sociale. Il me semblait urgent […] de défendre une conception du handicap comme force destructrice permettant de se libérer des carcans et des normes sociales étouffants, comme souffle sans concession pour repenser nos êtres au monde. »102
Bibliographie
Général
Charlotte Puiseux, De chair et de fer : vivre et lutter dans une société validiste, La Découverte, 2022.
Zig Blanquer, Nos existences handies, Monstrograph, 2022.
Caitlin Wood (recueil de texte édité par), Criptiques, May Day, 2014. Aussi disponible en pdf : https://criptiques.wordpress.com/ebook/
Rowan Ellis, « Where Do The Quiet Gays Go ? Parties, Protests, and the Queer Community » [Vidéo], 31 juillet 2024. https://www.youtube.com/watch?v=NS_s1A8UaKk
Jessica Kellgren-Fozard, « Does Pride exclude Disabled People ? » [Vidéo], 12 juin 2020. https://www.youtube.com/watch?v=bz6doYJ6wrA
Jessica Kellgren-Fozard, « Why are so many disabled people gay ? » [Vidéo], 1er septembre 2023. https://www.youtube.com/watch?v=KOJkZbgGIvE
Toute la chaîne Youtube Vivre Avec (Mathieu) : https://www.youtube.com/@VivreAvec
Clémence Allezard et Assia Khalid, « Handicap : la hiérarchie des vies » [série de 4 épisodes de podcast audio], LSD, la série documentaire, France Culture, 22 avril 2022. https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/serie-handicap-la-hierarchie-des-vies
Mélina Germes, « Handicap et féminisme : luttes contre le validisme », Revue Ballast, 10 décembre 2021. https://www.revue-ballast.fr/handicap-et-feminisme-luttes-contre-le-validisme/
Sabina Narvaez Gonzalez, « The Double Discrimination of Disabled LGBT+ People », IE Insights, 23 juin 2023. https://www.ie.edu/insights/articles/the-double-discrimination-of-disabled-lgbt-people/
GLAAD & RespectAbility, « LGBTQ People with Disabilities ». https://glaad.org/disabilities/
Emmett Patterson (intervieweur), Allie Cannington, Dylan Orr, Ki’tay Davidson, « Disability Justice is LGBT Justice : a conversation with movement leaders » [épisode de podcast audio et transcription écrite], Center for American Progress, juillet 2014. https://www.americanprogress.org/article/disability-justice-is-lgbt-justice-a-conversation-with-movement-leaders/
Au fil du texte
désexualisation des personnes handicapées ; répression et normativité sexuelle ; manque d’éducation à la vie relationnelle, affective et sexuelle
Noémie Aulombard-Arnaud, « Femmes handicapées et violences sexuelles : entre difficultés de prise en charge et empuissancement », Revue Mouvements n°99, mars 2019. https://shs.cairn.info/revue-mouvements-2019-3-page-131
Pierre Brasseur et Lucie Nayak (dir.), « Handicap » [numéro entier de revue, plusieurs articles], Revue Genre, sexualité & société n°19, printemps 2018. https://journals.openedition.org/gss/4128
Femmes et Santé asbl, « Violences gynécologiques et obstétricales vécues par les femmes avec une déficience intellectuelle vivant en institution : étude exploratoire sur la situation en Belgique francophone », 2023. https://www.femmesetsante.be/ressources/vgo-vecues-par-les-femmes-avec-une-deficience-intellectuelle-vivant-en-institution/
Alyssa Hillary, « The Erasure of queer autistic people », in Criptiques, 2014
Marta Pinto, « L’EVRAS : un outil pour lutter contre les violences envers les femmes en situation de handicap mental ? », Analyse Éducation Permanente, Esenca, 2024. https://www.esenca.be/wp-content/uploads/2024/11/Analyse-2024-evras-violence.pdf
Dima Toncheva, 2015, « Quelles sont les difficultés rencontrées par l’enseignement spécialisé dans la mise en place des activités EVRAS ? », Analyse Éducation Permanente, Esenca, 2015. https://www.esenca.be/wp-content/uploads/2021/09/analyse-17-EVRAS-anysurfer.pdf
témoignages de personnes handicapées LGBTQIA+
Alexandre Baril, « Hommes trans et handicapés : une analyse croisée du cisgenrisme et du capacitisme », Genre, sexualité & société, n°19, printemps 2018. https://journals.openedition.org/gss/4218
Alistair – HParadoxæ, « Transitionner médicalement ou pas ? » [Vidéo], 8 décembre 2021. https://www.youtube.com/watch?v=xTZBPfibEqg
Alistair – HParadoxæ, « Je ne suis plus non-binaire », [Vidéo], 2 juillet 2023. https://www.youtube.com/watch?v=uMdi6w0lA7I
Dandelion, « The Gender Void : la folie comme transidentité » [article de blog personnel], Medium, 2 octobre 2021. https://mxdandelion.medium.com/the-gender-void-la-folie-comme-transidentité-909106a275c3
Dandelion, « Identité de genre : désastre humain » [article de blog personnel], Medium, 13 juin 2020. https://mxdandelion.medium.com/identité-de-genre-désastre-humain-70fd71a7b9be
Delphine, « Queer et handicap, l’invisible combat », Barbi(e)turix, 3 mai 2020. https://www.barbieturix.com/2020/05/03/queer-handicap-linvisible-combat/
Delphine, « Les queers sont-iels grossophobes ? », Barbi(e)turix, 29 juin 2020. https://www.barbieturix.com/2020/06/29/les-queers-sont-iels-grossophobes/
Delphine, « Les queers sont-ils validistes ? » Barbi(e)turix, 14 juillet 2020. https://www.barbieturix.com/2020/07/14/les-queers-sont-iels-validistes/
Elijah Djaé, « Trans·fols » [article de blog personnel], 11 septembre 2024. https://kriptique.blog/2024/09/11/trans%c2%b7fols/
Annie Elainey, « Navigating Disability Fashion and Gender Presentation » [Vidéo], 10 octobre 2018. https://www.youtube.com/watch?v=E4tlJZ4vQHE
Erwan Essevaz-Roulet, Vécus transgenres et handicapés : des processus d’identification en interaction, qu’en disent les premier-e-s concerné-e-s ? [Mémoire de Master en sciences de l’éducation], Université Lumière – Lyon 2, 2022. https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-03872421
Céline Extenso, « Je ne suis pas une femme like you » [article de blog personnel], 18 février 2021. http://celinextenso.free.fr/wordpress/?m=202102
Léa Fournier, « Queer et handicapé, on ne nous donne jamais la parole », Têtu, 10 octobre 2020. https://tetu.com/2020/10/09/queer-et-handicape-on-ne-nous-donne-jamais-la-parole/
Hermine Garnier, Podcast H comme Handicapé.e.s : http://hcommehandipodcast.fr
- épisode n°6, « Morgan.e, handi.e & LGBT+ », 6 juin 2021.
- épisode n°12, « Sahara, bisexualité », 9 septembre 2022.
- épisode n°13, « Damien & Alistair, masculinités », 28 octobre 2022.
Umber Ghauri, « Queer, disabled people like me are excluded from LGBTQ+ spaces – it is dividing our community », The Independent, 15 février 2018. https://www.independent.co.uk/voices/coming-out-lgbt-gay-queer-disabled-disability-twice-sexuality-open-family-friends-a8212431.html
Eunjung Kim (traduction : Al Loustoni), « L’asexualité dans les récits handicapés », L’Espace des Potates [blog collectif], 8 août 2021 (texte original : 2011). https://blog.potate.space/lasexualite/
No Anger, « Handicap, queer et Trou de balle » [article de blog personnel], 6 novembre 2016. https://amongestedefendant.wordpress.com/2016/11/06/handicap-queer-et-trou-de-balle/
Océan et Alice Diop, Océan, saison 2 : En infiltré·e·s [série vidéo documentaire], France.tv Slash, 17 juin 2021. https://www.france.tv/slash/ocean/saison-2/
- épisode 5 : Intersexuation, histoire de la violence
- épisode 6 : Médecine et grossophobie
- épisode 7 : Fauteuils et paillettes
Princ(ess)e – LGBT (Cordelia), « David : trans, sur roulettes, blogueur » [Vidéo], 1er novembre 2017. https://www.youtube.com/watch?v=VXtBVeuN5_A
Princ(ess)e – LGBT (Cordelia), « Calvin : trans FtM, Autiste, Bi et PolyA » [Vidéo], 26 septembre 2016. https://www.youtube.com/watch?v=qHo7IdHjmvo
Stonewall UK, « Ableism and queerphobia often go hand in hand », 10 December 20. https://www.stonewall.org.uk/about-us/blog/ableism-and-queerphobia-often-go-hand-hand
Tipoui ! (Yuffy), « Folie et transidentités [Feat. Dandelion] » [Vidéo], 16 octobre 2022. https://www.youtube.com/watch?v=NlZneCwcL4o
Yolanda Vargas, traduit par Beatrice / les Dévalideuses, « Assez queer pour savoir ce que je veux, assez handicapé·e pour être ignoré·e », 2019. https://lesdevalideuses.org/assez-queer-pour-savoir-ce-que-je-veux-assez-handicape%E2%80%A2e-pour-etre-ignore%E2%80%A2e/
Tous les articles de : http://handi-queer.org/blog.php
autisme et variance de genre et sexualité
Marion Coville et Mélanie Lallet, « La contribution des études féministes et neuroqueer à la production des savoirs sur le genre et l’autisme », Genre, sexualité & société n°30, automne 2023. https://journals.openedition.org/gss/8474
Alyssa Hillary, « The Erasure of queer autistic people », in Criptiques, 2014.
Lisandre Labrecque-Lebeau, Chloé Dauphinais et Guillaume Ouellet, « Ça reste encore mystérieux pour moi » : récits et expériences du genre chez les personnes autistes », Genre, sexualité & société n°30, automne 2023. https://journals.openedition.org/gss/8509
Maude Laflamme et Line Chamberland, « L’expérience d’une double différence : quand l’autisme croise la diversité sexuelle et de genre », Genre, sexualité et société n°24, automne 2020. https://journals.openedition.org/gss/6286
Jean Vinçot, « Genre et sexualité dans l’autisme : explications » [article de blog personnel], 28 octobre 2020. https://blogs.mediapart.fr/jean-vincot/blog/281020/genre-et-sexualite-dans-l-autisme-explications
stress minoritaire
Épicentre asbl. « Vous reprendrez bien une dose de stress ? », in : Guide de santé inclusive. https://epicentre.brussels/question/vous-reprendrez-bien-une-dose-de-stress/
Morgan Noam, « L’impact du stress minoritaire sur la santé mentale des personnes minorisées » [post Instagram], 12 mai 2022. https://www.instagram.com/p/Cdcktxfj3CZ/?img_index=4
Maxence Ouafik, « Introduction au dossier : LGBTQI+ des patient.e.s aux besoins spécifiques », Santé Conjuguée n°86. Fédération des maisons médicales, mars 2019 https://www.maisonmedicale.org/introduction-7550/
discriminations et violences vécues par les personnes handicapées
Amnesty International, « Intersectionnalité et violences sexuelles », 4 mars 2020. https://www.amnesty.be/campagne/droits-femmes/viol/article/intersectionnalite-violences-sexuelles
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Conseil de l’Union Européenne, « Le handicap dans l’UE : faits et chiffres », révisé le 4 mars 2024. https://www.consilium.europa.eu/fr/infographics/disability-eu-facts-figures/
Marie Dauvrin, « Pour un système de santé plus inclusif », Santé conjuguée n°103 : La première ligne manque de bras, juin 2023. https://www.maisonmedicale.org/pour-un-systeme-de-sante-plus-inclusif/
« Les femmes handicapées, surexposées aux violences sexuelles », Handicap.fr, 28 mars 2023.https://informations.handicap.fr/a-femmes-handicapees-surexposees-aux-violences-sexuelles-34661.php
« 9 femmes autistes sur 10 victimes de violences sexuelles », Handicap.fr, 5 mai 2022. https://informations.handicap.fr/a-9-femmes-autistes-sur-10-victimes-violences-sexuelles-32831.php
« SDF et handicapé : l’urgence sociale inaccessible ? », Handicap.fr, 9 février 2022. https://informations.handicap.fr/a-sdf-handicape-urgence-sociale-inaccessible-32329.php
« 30% de sans-abri avec un trouble psy : mieux les accompagner », Handicap.fr, 28 janvier 2024.https://informations.handicap.fr/a-30-de-sans-abri-avec-un-trouble-psy-mieux-les-accompagner-36175.php
Fondation Roi Baudouin, « Sans-abrisme et absence de chez soi : de nouveaux dénombrements révèlent l’ampleur de la problématique », 27 mars 2024. https://kbs-frb.be/fr/sans-abrisme-et-absence-de-chez-soi-de-nouveaux-denombrements-revelent-lampleur-de-la-problematique
Maï Paulus, « Femmes en situation de handicap : une double discrimination violente », Étude Esenca, 2020. https://www.esenca.be/etude-2020-femmes-en-situation-de-handicap/
milieu gay masculin, normes corporelles excluantes, sérophobie
Maïna Boutmin, « Sérophobie : les personnes porteuses de VIH encore victimes d’isolement et de nombreuses idées reçues », RTBF, 22 décembre 2023. https://www.rtbf.be/article/serophobie-les-personnes-porteuses-du-vih-encore-victimes-d-isolement-et-de-nombreuses-idees-recues-11297528
Grégoire Collet et Niels Ulrich, « Démasquer Grindr : L’espace de rencontres LGBTQ+ manque d’inclusivité et doit être repensé », Le Délit, 9 avril 2019. https://www.delitfrancais.com/2019/04/09/demasquer-grindr/
Laure Dasinières, « « T’es clean ? » Ou comment la sérophobie quotidienne s’immisce dans la vie des personnes vivant avec le VIH », 360° : le magazine queer suisse, 1er décembre 2023. https://360.ch/sante/77172-tes-clean-ou-comment-la-serophobie-quotidienne-simmisce-dans-la-vie-des-personnes-vivant-avec-le-vih/
Fabien Jannic-Cherbonnel, « Mais pourquoi les gays ont-ils des corps si musclés ? », Slate, 6 août 2016. https://www.slate.fr/story/109683/corps-gays-muscles
Hugo Mega, « Comment les hommes gays cautionnent la masculinité toxique sans le savoir », Ket Mag, 30 avril 2022. https://ket.brussels/fr/2022/04/30/comment-la-masculinite-toxique-est-devenue-encore-plus-presente-dans-la-communaute-gay/
Daniel Summers, traduit par Antoine Bourguilleau, « La recherche du corps parfait, cause de troubles alimentaires dans la communauté LGBT », Slate, 6 avril 2018. https://www.slate.fr/story/159820/lgbtq-troubles-comportement-alimentaire-anorexie-boulimie
« La sérophobie sur les applis de rencontre », Portail VIH/sida du Québec, 30 juillet 2020. https://pvsq.org/2020/la-serophobie-sur-les-applis-de-rencontre-harsahgb/
Santé des personnes LGBTQ+
Kathryn Bell, Elizabeth Rieger, Jameson K. Hirsch, « Eating Disorder Symptoms and Proneness in Gay Men, Lesbian Women, and Transgender and Gender Non-conforming Adults: Comparative Levels and a Proposed Mediational Model », Front Psychology, 2018. https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC6331421/
Épicentre asbl, « Vivre hors les normes : expériences et spécificités LGBTQIA », Guide de santé inclusive. https://epicentre.brussels/question/vivre-hors-les-normes-experiences-et-specificites-lgbtqia/
Human Rights Campaign, « Understanding Intimate Partner Violence in the LGBTQ+ Community ». https://www.hrc.org/resources/understanding-intimate-partner-violence-in-the-lgbtq-community
Institut National d’Études Démographiques, « Enquête sur les violences subies par les LGB », septembre 2022. https://www.ined.fr/fr/tout-savoir-population/memos-demo/focus/enquete-sur-les-violences-subies-par-les-lgb/
C. Moremens, « La santé des personnes lgbtqi », Éducation Santé, février 2020. https://educationsante.be/la-sante-des-personnes-lgbtqi/
Callum Philipps, « Alcohol harm in trans and non-binary communities », Drinkaware, 4 mai 2022. https://www.drinkaware.co.uk/news/guest-blog-alcohol-harm-in-trans-and-non-binary-communities
Youen Tanguy, « Les LGBT ont 2 à 5 fois plus de risques d’avoir des problèmes d’addiction », Têtu, 18 janvier 2019. https://tetu.com/2019/01/18/les-lgbt-ont-2-a-5-fois-plus-de-risques-davoir-des-problemes-daddiction/
Blog Témoignages et savoirs intersexes, « Les intersexes, le VIH et les IST », 1er décembre 2017. https://temoignagesetsavoirsintersexes.wordpress.com/2017/12/01/les-intersexes-le-vih-sida-et-les-ist/
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Santé Conjuguée n°86, LGBTQI+ des patient.e.s aux besoins spécifiques [numéro entier de revue], Fédération des maisons médicales, mars 2019. https://www.maisonmedicale.org/sante-conjuguee/lgbtqi-des-patients-a-besoins-specifiques/
Seniors LGBT
Véronique Fievet, « Les seniors LGBT mieux accueillis en maison de retraite ? » RTBF, 9 juin 2022. https://www.rtbf.be/article/les-seniors-lgbt-mieux-accueillis-en-maison-de-retraite-11009333
Mélanie Gerrebos, « Les séniors, dans l’ombre de la communauté. », Santé Conjuguée n°86, mars 2019. https://www.maisonmedicale.org/les-seniors-dans-l-ombre-de-la-communaute/
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pathologisation et lien avec colonialisme/racisme et sexisme ; eugénisme et évolutionnisme
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Elijah Djaé, « Blanchité, psychophobie et rationnalité blanche », 18 juin 2023. https://kriptique.blog/2023/06/18/blanchite-psychophobie-et-rationnalite-blanche/
Elija Djaé, « La folie est une construction sociale », 16 juin 2023. https://kriptique.blog/2023/06/16/la-folie-est-une-construction-sociale/
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Histoires Crépues, « Une histoire du racisme – partie 2 » [Vidéo Youtube], 25 août 2024. https://www.youtube.com/watch?v=P0IZFCt5rXw
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Frédérich Martel, « Homosexualité : le XIXe siècle aliéniste », Encyclopédie Universalis. https://www.universalis.fr/encyclopedie/homosexualite/4-le-xixe-siecle-alieniste/
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Wikipedia (pages bien documentées, et utilisées pour rassembler des informations déjà apprises par ailleurs) :
Eugénisme : https://fr.wikipedia.org/wiki/Eugénisme
Darwinisme social : https://fr.wikipedia.org/wiki/Darwinisme_social
crimes du régime nazi
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Podcast Le cours de l’histoire, « Handicap et guerres mondiales : de la réparation à l’ »extermination douce » ? », épisode 2/4 de la série « Handicap, une histoire », France Culture, 9 février 2021. https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/le-cours-de-l-histoire/handicap-et-guerres-mondiales-de-la-reparation-a-l-extermination-douce-4214530
« Les homosexuels sous le régime nazi », Encylopédie de la Shoah, The United States Memorial Museum, révisé le 23 février 2024. https://encyclopedia.ushmm.org/content/fr/article/gay-men-under-the-nazi-regime
« Les lesbiennes sous le régime nazi », Encyclopédie de la Shoah, The United States Memorial Museum, révisé le 23 février 2024. https://encyclopedia.ushmm.org/content/fr/article/lesbians-under-the-nazi-regime
« Programme d’euthanasie et Aktion T4 », Encylopédie de la Shoah, The United States Memorial Museum, révisé le 26 juillet 2023. https://encyclopedia.ushmm.org/content/fr/article/euthanasia-program
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histoire des luttes LGBT+ et handicapées ; retournement du stigmate, fierté
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Wannes Dupont (traduction : Sophie Hennuy), « La libéralisation des mœurs dans les plats pays, une évolution somme toute récente », Les plats pays, 23 octobre 2023. https://www.les-plats-pays.com/article/la-liberalisation-des-moeurs-dans-les-plats-pays-une-evolution-somme-toute-recente/
Épicentre asbl, « Être fier·e pour battre le fer », Guide de santé inclusive. https://epicentre.brussels/question/etre-fier%c2%b7e-pour-battre-le-fer/
Épicentre asbl, « VIH, Very Important History ? », Guide de santé inclusive. https://epicentre.brussels/question/vih-very-important-history/
Le cours de l’histoire, « Survivre ne suffit pas : handicap, les luttes pour l’égalité » [podcast audio], épisode 4/4 de la série « Handicap, une histoire », France Culture, 11 février 2021. https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/le-cours-de-l-histoire/survivre-ne-suffit-pas-handicap-les-luttes-pour-l-egalite-4574705
Nicole Newnham et James LeBrecht, Crip Camp : A disability revolution [film documentaire], Netflix, 2020.
Cécile Morin, « Le travail comme terrain de luttes politiques des personnes handicapées », CHLEE, 20 décembre 2018. https://clhee.org/2018/12/20/le-travail-comme-terrain-de-luttes-politiques-des-personnes-handicapees/
PratiQ, « Histoire des luttes queers », Plateforme Queer. https://www.pratiq.be/plateforme-queer/histoire-des-luttes-queers
Anthony Vincent, « Retournement du stigmate : quand l’insulte rend plus fort·e », Mixte Magazine, 24 novembre 2022. https://www.mixtemagazine.com/article/insulte-empowerment-retournement-du-stigmate/
luttes intersexes
Janik Bastien-Charlebois, « Les sujets intersexes peuvent-ils (se) penser ? Les empiétements de l’injustice épistémique sur le processus de subjectivation politique des personnes intersex(ué)es », Socio. La nouvelle revue des sciences sociales n°9, 2017. https://journals.openedition.org/socio/2945
Polémix et la voix off, « Intersexe » [série de podcast en 4 épisodes], novembre 2023. https://polemixetlavoixoff.com/?s=intersexe
- épisode 1 : « Stop mutilations intersexes ! »
- épisode 2 : « Une histoire de l’intersexuation »
- épisode 3 : « Une histoire de la lutte intersexe »
- épisode 4 : « Lutte au quotidien »
Michal Raz, Intersexes : du pouvoir médical à l’autodétermination, Éditions Le Cavalier Bleu, 2023.
Blog Témoignages et savoirs intersexes, « Médicalisation des intersexes, de la théorie à la pratique », 7 septembre 2016. https://temoignagesetsavoirsintersexes.wordpress.com/2016/09/07/medicalisation-des-intersexes-de-la-theorie-a-la-pratique/
queer & crip
Camille Back, « Nos « silences construits » : nommer la violence épistémique au fondement de la théorie queer. », Genre, sexualité & société n°31 : Tordre les théories queer : perspectives antiracistes et décoloniales, 2024. https://journals.openedition.org/gss/8657
Konstantinos Eleftheriadis, « Le queer en Europe », Encyclopédie d’histoire numérique de l’Europe [en ligne], 22 juin 2020. https://ehne.fr/fr/node/12452
Elijah Djaé, « Les luttes anti-validistes noires », 28 septembre 2023. https://kriptique.blog/2023/09/28/les-luttes-anti-validistes-noires/
Les Handi·es Tordu·es, « La neuroqueerité » [post Instagram], 21 juillet 2023. https://www.instagram.com/p/CuZupLqtA1r/
PratiQ, « « queer » : qu’est-ce que ça veut dire ? », Plateforme Queer. https://www.pratiq.be/plateforme-queer/queer-quest-ce-que-ca-veut-dire
PratiQ, « Études et théories queers », Plateforme Queer. https://www.pratiq.be/plateforme-queer/etudes-et-theories-queers
Charlotte Puiseux, « Criper la théorie queer : un nouvel enjeu des études sur le handicap », 2015. https://charlottepuiseux.weebly.com/alter2015.html
Charlotte Puiseux, « Introduction à la théorie crip », 2017. https://charlottepuiseux.weebly.com/introcrip.html
Raplapla et porte voix, « Crip : partie 1 » [post Instagram], 25 octobre 2021. https://www.instagram.com/p/CVaa6ACD5Tv/
Nick Walker, « Neuroqueer : an introduction », 2015 (révisé : 2021). https://neuroqueer.com/neuroqueer-an-introduction/
M. Remi Yergeau, Authoring Autism : On Rhetoric and Neurological Queerness, Duke University Press, 2017.
représentations et création artistique
« Conversation entre Lucie Camous et No Anger (Ostensible) », Bruise Magazine, 8 juin 2023. https://www.bruisemagazine.com/article/conversation-entre-lucie-camous-no-anger-ostensible
« Quelle place pour les handis dans les fictions ? », épisode 4/4 de la série « Handicap, la hiérarchie des vies », LSD, France Culture, 28 avril 2022. https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/lsd-la-serie-documentaire/quelle-place-pour-les-handis-dans-les-fictions-6726126
Collectif Cases Rebelles, « Sins Invalid, des corps révolutionnaires », février 2015. https://www.cases-rebelles.org/sins-invalid-handies-revolutionnaires/
Hermine Garnier, podcast H comme Handicapé.e.s, épisode n°31, « Drags handicapé.e.s : performances, accessibilité & validisme intériorisé », 5 juillet 2024. http://hcommehandipodcast.fr/fr/episodes/drags-handicape-e-s-performances-accessibilite-validisme-interiorise
Camille Ronti, « De la liminalité de la grosseur : stratégies spectaculaires et identité de gros. », Sextant n°35, 2018. http://journals.openedition.org/sextant/387
Kafai Shayda, Crip Kinship: The Disability Justice & Art Activism of Sins Invalid, Arsenal Pulp Press, 2021.
lutter ensemble
Elijah Djaé, « Trans·fols » , 11 septembre 2024. https://kriptique.blog/2024/09/11/trans%c2%b7fols/
Harriet de Gouge, « Et à la fin, tout le monde perd », 20 juin 2022. https://www.harrietdegouge.fr/post/687537651474153473/et-à-la-fin-tout-le-monde-perd
Harriet de Gouge, « Moins d’inspiration, plus de fierté », 9 février 2023.
https://www.harrietdegouge.fr/post/708793504022904833/moins-dinspiration-plus-de-fierté
Hailey Hudson (traduction : Harriet de G.), « Du droit des personnes handicapées à la lutte antivalidiste », 28 septembre 2022. https://www.harrietdegouge.fr/post/696638893732380672/du-droit-des-personnes-handicapées-a-la-lutte
Anna Mollow (traduction : Emma Axelroud-Bernard), « Vers un féminisme fol », 2024 (original : 2013). https://crashroom.ooo/2024/03/21/vers-un-feminisme-fol/
Charlie Mostro, « Un autre militantisme est possible : une perspective depuis les marges », Dièses [revue en ligne], 8 mars 2022. https://dieses.fr/un-autre-militantisme-est-possible-une-perspective-depuis-les-marges
No Anger, « Les processus discriminatoires » [article de blog personnel], 22 janvier 2015. https://amongestedefendant.wordpress.com/2015/01/22/les-processus-discriminatoires/
Anne Revillard, « Genre, handicap et questionnement des normes », Alter n°16|2 : Les normes interrogées par le handicap, 2022. https://journals.openedition.org/alterjdr/554Sins Invalid, adapté de Patty Berne, « What is Disability Justice ? », 16 juin 2020. https://www.sinsinvalid.org/news-1/2020/6/16/what-is-disability-justice
- Les personnes psychiatrisées sont celles dont la vie et l’identité ont été marqués par la psychiatrie (diagnostics psychiatriques, hospitalisations ou suivi psychiatrique important, médication…), qu’elles s’identifient elles-mêmes comme ayant des troubles psy / étant neurodivergentes, ou non. Voir l’encadré « De quoi parle-t-on quand on parle de handicap ? », p.5. ↩︎
- Notre utilisation du sigle désignant les minorités sexuelles et de genre varie lorsque nous désignons des milieux, contextes ou époques spécifiques où certains groupes sont assez clairement exclus. Voir l’encadré « Utilisation du sigle LGBTQIA+ et de l’adjectif queer », p.3. ↩︎
- Les quelques citations qui enrichiront les propos de cette partie et les quelques témoignages à retrouver en bibliographie illustrent des tendances que j’ai retrouvées dans de multiples témoignages recueillis et intégrés au fil des années ; de même, les informations résumées dans cette partie s’appuient aussi sur du savoir « informel » et d’expérience. Des références peuvent cela dit être retrouvées en bibliographie. ↩︎
- Le pourcentage dépend de comment on définit le handicap et recueille les données : les chiffres les plus bas (10%) ne prennent en compte que les personnes reconnues officiellement, avec un certain nombre de « points » de perte d’autonomie, touchant des aides financières, et restreignant le recueil de données à la tranche d’âges des potentiels « actifs » sur le marché de l’emploi ; les chiffres les plus hauts (jusqu’à 25% pour des enquêtes européennes et aux États-Unis) prennent en compte un plus large éventail de situations de limitations significatives à la participation sociale, y compris des personnes touchées par des maladies chroniques pas forcément reconnues. Une étude européenne d’Eurostat (Conseil Européen) de 2022 a calculé 25.6% de personnes handicapées parmi les plus de 16 ans en Belgique. https://www.consilium.europa.eu/fr/infographics/disability-eu-facts-figures/
↩︎ - Estimation tirée des résultats de l’étude Ipsos 2023 effectuée sur 30 pays dans le monde (https://www.ipsos.com/sites/default/files/ct/news/documents/2023-06/Ipsos%20Enqu%C3%AAte%20LGBT%2B%20Pride%202023%20Globale.pdf) et de l’étude de Lotte de Schrijver et al., “An assessment of the proportion of LGB+ persons in the Belgian population, their identification as sexual minority, mental health and experienced minority stress”, 2022 (https://pmc.ncbi.nlm.nih.gov/articles/PMC9502943/). ↩︎
- L’estimation d’1 à 2% est souvent reprise basée sur des études internationales (comme celle d’Ipsos citée précédemment) ; les associations de soutien aux personnes transgenres en Belgique avancent quant à elles au moins 3% de la population, comme rapporté dans le papier de A. Dufrasne et P. Vico « Les patient·e·s ↩︎
- Infantiliser, c’est traiter comme un·e enfant, quelqu’un que l’on perçoit comme inférieur·e, qui ne serait pas capable de savoir ce qui est bon pour lui, dont l’avis serait moins important – ce terme met aussi en évidence le fait que dans notre société, on ne traite pas les enfants comme des personnes à part entière, dignes de respect et capables de choix les concernant.
↩︎ - Marie, « Sexualité et handicap : on en parle ? » [billet de blog personnel], mars 2017 : http://handi-queer.org/fonction/recupBillet.php?id=70 ↩︎
- C’est-à-dire placé·es en raison de leur handicap dans un milieu ségrégué, géré par un pouvoir médico-social sur lequel iels n’ont pas prise. Ce système de société encore majoritaire en Belgique et en France est contraire au respect des droits humains fondamentaux. Pour la Belgique, voir le résumé du plaidoyer pour la désinstitutionnalisation de l’asbl Autonomia : https://wal.autonomia.org/theme/desinstitutionnalisation ; ou le rapport détaillé du Conseil Supérieur National des Personnes Handicapées : https://ph.belgium.be/fr/actualit-eacute-s/news-la-d%C3%A9sinstitutionnalisation-des-personnes-en-situation-de-handicap.html. ↩︎
- Pour un constat à propos de la Belgique francophone, voir l’étude exploratoire (2023) de l’asbl Femmes et Santé sur les violences gynécologiques et obstétricales vécues par les femmes avec une déficience intellectuelle vivant en institution, qui aborde aussi la question de l’EVRAS : https://www.femmesetsante.be/ressources/vgo-vecues-par-les-femmes-avec-une-deficience-intellectuelle-vivant-en-institution/. D’autres références en bibliographie. ↩︎
- On peut se réjouir des récentes collaborations du centre de ressources Handicaps et Sexualités, avec l’ajout au programme du dernier salon « Envie d’Amour » (2024) d’ateliers et sensibilisation sur les diversités de sexualité et de genre, ainsi qu’une brochure en FALC (français simplifié et illustré) conçue en collaboration avec les CHEFF (fédération des jeunes LGBTQI) : https://www.lescheff.be/wp-content/uploads/2024/01/brochure-genre-et-sexualite.pdf ↩︎
- Céline Extenso, « Je ne suis pas une femme like you », 18 février 2021 : http://celinextenso.free.fr/wordpress/?m=202102 ↩︎
- http://hcommehandipodcast.fr/fr/episodes/morgan-e ↩︎
- À ce sujet, voir le livre de Pierre Dufour L’expérience handie (2014), et les travaux de Paul Ancet et Marcel Nuss. Notons cependant que ces points de vue restent assez centrés sur des approches de la masculinité hétérosexuelle, cisgenre et surtout blanche. Un tour d’horizon des questions de masculinité et handicap est aussi proposé par Alexandre Baril dans son article « Hommes trans et handicapés : une analyse croisée du cisgenrisme et du capacitisme », Genre, sexualité & société n°19, 2018 : https://journals.openedition.org/gss/4218 ↩︎
- http://hcommehandipodcast.fr/fr/episodes/damien-alistair Alistair discute par ailleurs plus en détail de l’impact du validisme intériorisé sur sa transition dans deux de ses vidéos, mentionnées en bibliographie. ↩︎
- parce que l’asexualité est souvent comprise comme une forme d’hétérosexualité sans sexe – ce qu’elle n’est pas ! –, et qu’il est oublié d’une part que l’on peut par exemple être asexuel·le et lesbienne, l’orientation sexuelle et l’orientation romantique pouvant être distinctes, et d’autre part que les personnes asexuelles subissent aussi les normes hétérocissexistes, des discriminations et des violences. ↩︎
- Sur ce sujet, voir l’analyse approfondie de Rowan Ellis, « The Problem with Asexual Representation » [Vidéo], 18 décembre 2021 : https://www.youtube.com/watch?v=P6v1J7kQv_c ↩︎
- Pour un aperçu rapide de quelques études menées à ce sujet, un résumé du vulgarisateur Jean Vinçot : « Genre et sexualité dans l’autisme : explications », 2020 (https://blogs.mediapart.fr/jean-vincot/blog/281020/genre-et-sexualite-dans-l-autisme-explications) ; en bibliographie sont mentionnées plusieurs références d’articles scientifiques qui analysent en détails la question. Mais cette observation est aussi basée sur mon expérience en tant qu’autiste active dans diverses communautés autistes depuis 7 ans ; c’est littéralement le sujet de sondages et questions régulièrement posées dans les groupes de soutien en ligne pour personnes autistes, sur les réseaux sociaux, et dans les groupes de paroles et rencontres organisées en présentiel. ↩︎
- Pour une revue et analyse des différentes hypothèses proposées dans la recherche scientifique, voir Maude Laflamme et Line Chamberland, « L’expérience d’une double différence : quand l’autisme croise la diversité sexuelle et de genre », Genre, sexualité et société n°24, automne 2020 : https://journals.openedition.org/gss/6286. ↩︎
- Plus obligatoirement depuis 2018, mais dans les faits la pratique demeure courante et nécessaire pour certains remboursements de soins transspécifiques. ↩︎
- No Anger, « Handicap, queer et Trou-de-balle », 6 novembre 2016 : https://amongestedefendant.wordpress.com/2016/11/06/handicap-queer-et-trou-de-balle/ ↩︎
- Ourse Mal Léchée, « Handi-queer, pour lutter contre une double exclusion, un double isolement », Les Ourses à Plumes, 2019 : https://lesoursesaplumes.info/2019/04/02/handi-queer-pour-lutter-contre-une-double-exclusion-un-double-isolement/ ↩︎
- La désexualisation des personnes handicapées ainsi qu’une mauvaise compréhension des violences sexuelles a longtemps freiné la prise en compte de ce problème d’une grande ampleur. Les études sont récentes et encore peu nombreuses. Les chiffres changent selon la méthode de questionnement des femmes, ainsi que leur champ géographique (il est souvent repris des chiffres pour les femmes handicapées « dans le monde », on manque de chiffres spécifiques à la Belgique) : en moyenne, il est estimé que les femmes handicapées sont entre deux à quatre fois plus susceptibles de vivre des violences sexuelles – surtout dans le cadre familial, conjugal, médical et en institution. Des études spécifiques à un groupe suggèrent des vulnérabilités plus accrues : par exemple, 90% de femmes autistes auraient vécu des violences sexuelles. Ce ne serait pas étonnant de conclure dans le futur à des chiffres généraux encore plus accablants : lorsque l’on évolue dans une communauté de femmes et personnes handicapées et/ou neurodivergentes, on se rend vite compte que pratiquement toutes ont vécu des violences sexuelles répétées.Voir les résumés d’études sur le site Informations Handicap : https://informations.handicap.fr/a-femmes-handicapees-surexposees-aux-violences-sexuelles-34661.php et https://informations.handicap.fr/a-9-femmes-autistes-sur-10-victimes-violences-sexuelles-32831.php, ainsi que d’autres références en bibliographie. ↩︎
- http://hcommehandipodcast.fr/fr/episodes/damien-alistair Le récit et l’analyse des éléments de sa situation de handicap et de maladie qui l’ont finalement aidé à entamer une transition médicale est bien plus long et détaillé et vaut le coup d’être écouté/lu en entier ! ↩︎
- Princ(ess)e – LGBT (Cordelia), « David : trans, sur roulettes, blogueur » [Vidéo], 1er novembre 2017 : https://www.youtube.com/watch?v=VXtBVeuN5_A ↩︎
- Pour plus de détails sur ce que signifie concrètement l’inaccessibilité pour les personnes handicapées et/ou neurodivergentes et/ou grosses, voir notre travail de 2023 : En accès limité ? Accessibilité des milieux culturels, associatifs et militants. Un livret pour approfondir, aussi disponible en pdf : https://lepoissonsansbicyclette.be/ressources/ ↩︎
- Souvent, ce sont les plus petites initiatives (petites asbl récentes, collectifs informels…) qui y pensent le plus. Même dans le référencement général de lieux/événements LGBT+ : un exemple parmi d’autre, nous avons aussi trouvé aussi cette carte interactive de référencement des lieux lesbiens et queers à Bruxelles, qui permet au moins de filtrer la recherche pour l’accessibilité PMR : https://bad.brussels/places/tag:wheelchair%20accessible, tandis que des grands guides / répertoires comme ceux de visit.brussels maintiennent séparés la section “accessibilité : visiter Bruxelles avec un handicap” et la rubrique “LGBTQIA+”, sans aucune information sur l’accessibilité des événements et lieux LGBT. ↩︎
- À ce sujet, voir les excellentes vidéos de Jessica Kellgren-Fozard, « Alcohol and queerness : a deep dive », 10 avril 2024 : https://www.youtube.com/watch?v=jQ4t5YjZ0ZA et de Rowan Ellis, « Where Do The Quiet Gays Go ? Parties, Protests, and the Queer Community », 31 juillet 2024 : https://www.youtube.com/watch?v=NS_s1A8UaKk ↩︎
- Voir par exemple ces témoignages personnels à propos de la Pride de Bruxelles, en 2022 (@payetapsychophobie) : https://www.instagram.com/p/Cd5q79gjzja/ et 2024 (@glitteronyourbook) : https://www.instagram.com/p/C7LxjQFiq-p/ ↩︎
- Léa Fournier, « Queer et handicapé, on ne nous donne jamais la parole », Têtu, 10 octobre 2020 : https://tetu.com/2020/10/09/queer-et-handicape-on-ne-nous-donne-jamais-la-parole/ ↩︎
- Oppression systémique et attitudes interindividuelles négatives envers les personnes handicapées (différentes définitions du validisme seront explorées en dernière partie de l’étude). ↩︎
- Préjugés, rejet, peur, infantilisation, hostilité… envers qui est perçu·e comme fou-folle ou souffrant de troubles psychiques. ↩︎
- On parle de pathologisation lorsqu’est donné un caractère pathologique, classé comme maladie (mentale, dans le cas de la psychiatrisation), quelque chose qui en fait relève d’un fait social et/ou d’une simple variable humaine. La pathologisation et la psychiatrisation servent des buts normatifs. Ces notions seront davantage explorées dans la 3e partie de l’étude. ↩︎
- Nous n’avons sciemment pas ajouté le I de « intersexe » ici, parce que les discours militants des personnes et associations intersexes prennent justement généralement bien en compte la problématique du (psy)validisme. ↩︎
- Doctorant et enseignant en études théâtrales, auteur prolifique d’articles (https://mxdandelion.medium.com) et de threads sur X / Twitter (@lyingrain), assez connu dans les sphères antipsychiatriques francophones. ↩︎
- Dandelion, « Identité de genre : désastre humain », 13 juin 2020 : https://mxdandelion.medium.com/identité-de-genre-désastre-humain-70fd71a7b9be ↩︎
- « Adelphe » est un terme épicène (à la fois masculin, féminin et neutre) pour signifier « frères et sœurs » ; il peut être employé pour parler de la famille ou pour parler de « camarades » au sein d’une communauté. ↩︎
- http://hcommehandipodcast.fr/fr/episodes/morgan-e ↩︎
- https://www.hrc.org/resources/understanding-disabled-lgbtq-people ↩︎
- Voir l’analyse de Jessica Kellgren-Fozard dans sa vidéo « Why are so many disabled people gay ? », 1er septembre 2023 : https://www.youtube.com/watch?v=KOJkZbgGIvE ↩︎
- À noter que beaucoup d’articles généralistes qui reprennent ces informations se basent sur des études faites sur des personnes s’identifiant comme LGBT, il y a moins d’études qui prennent en compte les personnes intersexes et les personnes asexuelles. Outre l’interaction avec d’autres facteurs sociaux, les études qui se focalisent sur diverses identités de genre et orientations sexuelles révèlent que les personnes transgenres et non-binaires ont une santé mentale plus impactée que les personnes LGB cisgenres ; mais aussi que les personnes bisexuelles et asexuelles vont moins bien que les gays-lesbiennes. Les personnes intersexes sont à encore plus haut risque de tentative de suicide. Voir la note de lecture de l’observatoire belge du sida et des sexualités sur un rapport de 2017 de la commission européenne à propos de la santé des personnes LGBTI : https://www.observatoire-sidasexualites.be/health-4-lgbti/ ↩︎
- https://www.youtube.com/watch?v=oPiIxLkPYhc ↩︎
- http://hcommehandipodcast.fr/fr/episodes/morgan-e ↩︎
- Nous mettons en avant ici les similarités de traitement et théories, mais il y a en réalité de nombreuses nuances et différences dans la manière dont étaient conceptualisés les différents « groupes » identifiés, et cela persiste jusqu’à aujourd’hui : les retombées du racisme ne sont pas exactement les mêmes que celle du validisme, et il y a aussi des différences de formes de racisme selon les origines ethniques – réelles ou supposés – des personnes visées, ou de formes de sexisme selon la classe sociale – par exemple. À noter : théoriser tout un tas de sous-catégories – de classe, de race, de sexe, de capacités – et créer des hiérarchies au sein de ce qui était considéré comme inférieur était aussi un moyen de diviser davantage les groupes sociaux opprimés, ce qui entrave les possibilités de s’allier pour se révolter. ↩︎
- Cette histoire et les suites tragiques des théories et politiques évolutionnistes et eugénistes est particulièrement bien résumée et vulgarisée par la chaîne Youtube Histoires Crépues dans une vidéo sur l’histoire du racisme scientifique, 25 août 2024 : https://www.youtube.com/watch?v=P0IZFCt5rXw. Autres références en bibliographie. ↩︎
- Les stérilisations, contraceptions et avortements forcés sur les personnes et populations vues comme indésirables ne se sont malheureusement pas arrêtées à la fin de la deuxième guerre mondiale, et ont continué aussi en Europe à être exercés notamment sur les personnes handicapées vivant en institution, même lorsque c’est devenu illégal. Rappelons aussi que jusqu’en 2017, les personnes trans souhaitant changer de mention de sexe/genre à l’état civil étaient obligées d’avoir fait des opérations qui les rendaient stériles – ce qui était aussi une forme d’eugénisme. ↩︎
- Dans les colonies, des entreprises réfléchies d’extermination de la population locale, de déplacement de populations, de stérilisations forcées, et autres mesures eugénistes avaient déjà lieu et ont continué après la seconde guerre mondiale, sans que cela n’alerte particulièrement l’opinion publique occidentale… ↩︎
- Plus de six millions de victimes et des ravages culturels, psychologiques, économiques, pour de nombreuses communautés et pays, qui vont bien au-delà du nombre effroyable de morts. Parler ici d’autres groupes de victimes ne vise pas à occulter ou mettre de côté cette histoire. ↩︎
- Sur ce sujet, voir l’épisode de podcast, « Handicap et guerres mondiales : de la réparation à l’ »extermination douce » ? », épisode 2/4 de la série « Handicap, une histoire », Le cours de l’histoire sur France Culture, 9 février 2021. https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/le-cours-de-l-histoire/handicap-et-guerres-mondiales-de-la-reparation-a-l-extermination-douce-4214530 ↩︎
- Ce qui donnera la méthode ABA, toujours autorisée et largement appliquée – voire même privilégiée à d’autres accompagnements aux États-Unis, puisque prise en charge par la sécurité sociale –, malgré les évidences de son inefficacité (on ne peut pas transformer des personnes autistes en personnes non-autistes) et des dommages gravissimes sur la santé mentale des personnes autistes qui y ont été soumises. ↩︎
- Exhibitions pour le divertissement, de « monstres » (« freaks »), personnes handicapées, géantes, naines, femmes à barbe, femmes noires… Spectacles répandus aux États-Unis entre la fin du XIXe siècle et le premier tiers du XXe siècle, où par ailleurs des lois interdisaient la présence dans l’espace public de personnes visiblement handicapées ou pauvres, mais aussi populaires au Royaume-Uni, et présents sous d’autres formes dans d’autres pays d’Europe. Pour en savoir plus, voir notamment : No Anger, « Des sauvages et des monstres », 28 août 2020 : https://amongestedefendant.wordpress.com/2020/08/28/des-sauvages-et-des-monstres/ ; Robert Bogdan (traduction Myriam Dennehy), La Fabrique des monstres, Alma Éditeur, 2013 ; Jessica Kellgren-Fozard, « Ruining the Greatest Showman for everyone » [vidéo], 16 janvier 2024 : https://www.youtube.com/watch?v=OBcMh-6xSWs ↩︎
- Voir le podcast déjà cité : « Handicap et guerres mondiales : de la réparation à l’ »extermination douce » ? », https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/le-cours-de-l-histoire/handicap-et-guerres-mondiales-de-la-reparation-a-l-extermination-douce-4214530 ↩︎
- depuis la physiognomonie, la phrénologie, et autres pseudo-sciences qui prétendaient que le caractère, l’intelligence ou la dangerosité d’une personne pouvait se voir dans ses attributs physiques, jusqu’aux tentatives psychanalytiques d’expliquer l’homosexualité ou l’autisme par le comportement de la mère, en passant par beaucoup d’autres théories sur les sexes/genres, les ethnicités, les attirances sexuelles, les morphologies… ↩︎
- Cette occupation spécifiquement ainsi que les décennies de lutte de Disabled in Action sont racontées entre autres dans le film Crip Camp (Nicole Newnham et James LeBrecht, Netflix, 2020) et dans l’article du collectif Cases Rebelles : « San Francisco 504 : À l’intersection des luttes handies et noires », mars 2014 : https://www.cases-rebelles.org/san-francisco-504-a-lintersection-des-luttes-handies-et-noires/ ↩︎
- À ce propos, lire notamment Cécile Morin, « Le travail comme terrain de luttes politiques des personnes handicapées », CHLEE, 20 décembre 2018 : https://clhee.org/2018/12/20/le-travail-comme-terrain-de-luttes-politiques-des-personnes-handicapees/ ou voir directement les archives du journal Handicapés Méchants (1974-1979) : https://archivesautonomies.org/spip.php?article9 ↩︎
- En Belgique, la Pride LGBT est en mai, dans les autres pays du monde c’est en juin, en mémoire du soulèvement de Stonewall. Le mois des fiertés handicapées qui a été initialement lancé aux États-Unis est, lui en juillet, en commémoration de la loi de garantie des droits et protection des personnes handicapées (American with Disabilities Act, 1990), grande victoire du premier grand mouvement handicapé. Des Disability Pride et/ou Mad Pride (parfois jointes) ont lieu officiellement, de manière récurrente ou ponctuelles, dans de nombreux pays du monde : États-Unis, Canada, Brésil, Royaume-Uni, Australie, Nouvelle Zélande, Afrique du Sud, Norvège, Allemagne, Suisse, Portugal, Irlande ; des Mad Pride ponctuelles ont eu lieu à Paris et à Bruxelles. ↩︎
- Le stimming désigne tous les gestes et comportements de recherche de stimulation sensorielle, régulation émotionnelle, et communication, qui sont naturels et sains chez toute personne mais ont été décrits comme spécifiques et comme pathologiques chez les personnes autistes, et à ce titre particulièrement stigmatisés et réprimés dans les approches thérapeutiques traditionnelles (par exemple des gestes répétitifs comme se balancer, secouer ses mains, sautiller sur place, répéter des sons…). À ce propos, voir Charlie Cottin, « Le stimming, symptôme indésirable ou source de fierté ? Une histoire de soutien entre pairs, d’autodétermination et de redéfinition de l’autisme », Psychologie, genre & société n°2, mai 2024 : https://www.psygenresociete.org/302 ↩︎
- Jonatan De Lemos Agra, « Face à l’écran : l’histoire de la visibilisation LGBTQI bruxelloise à partir de la structuration de ses espaces de projection, discussion et échange cinématographiques (années 1970 aux années 2000) », Cahiers Bruxellois – Brusselse Cahiers, 2022 /1 : https://shs.cairn.info/revue-cahiers-bruxellois-2022-1-page-79 ↩︎
- Citation par Michal Raz (2023) d’une formulation de l’activiste intersexe hollandaise Miriam van der Have (2016). ↩︎
- Pour davantage d’informations sur les revendications, voir les sites internet du collectif Intersex Belgium : https://intersexbelgium.be/ et du Collectif Intersexe Activiste français : https://cia-oiifrance.org/ ↩︎
- De chair et de fer, p.75 ↩︎
- Tipoui ! (Yuffy), « Folie et transidentités [Feat. Dandelion] » [Vidéo], 16 octobre 2022 : https://www.youtube.com/watch?v=NlZneCwcL4o ↩︎
- https://www.pratiq.be/plateforme-queer/queer-quest-ce-que-ca-veut-dire ↩︎
- https://www.pratiq.be/plateforme-queer/etudes-et-theories-queers ↩︎
- Littéralement « queers de couleur » : aux États-Unis, on utilise l’expression « personnes de couleur » pour parler de manière affirmative de personnes dont la couleur de peau et l’ethnicité ont fait l’objet d’une racialisation défavorable dans le cadre colonial, et sont encore aujourd’hui victimes de racisme. Les luttes antiracistes francophones ne conseillent pas cette expression en français. ↩︎
- La pensée queer s’est aussi et d’abord développée dans de nombreux groupes, discussions, zines, pamphlets, que l’on ne retrouve pas dans les bibliothèques universitaires ; les écrits académiques qui ont suivi dans les années 1990 (Judith Butler, Eva Kosofsky Sedwick, Teresa de Lauretis, et une relecture des travaux préalables de Michel Foucault et Monique Wittig) sont importants mais ont aussi contribué à un effacement d’autres écrits préalables, y compris académiques (Gloria Anzaldúa), à une confiscation élitiste du savoir, et à un figement de concepts et cadres théoriques (tout le contraire de ce qu’est censé être la pensée queer). Voir le numéro 31 de la revue Genre, sexualité & société, « Tordre les théories queer : perspectives antiracistes et décoloniales », printemps 2024 : https://journals.openedition.org/gss/8563 ↩︎
- « La contribution des études féministes et neuroqueer à la production des savoirs sur le genre et l’autisme », Genre, sexualité & société n°30, automne 2023 : https://journals.openedition.org/gss/8474 ↩︎
- Pour une explication rapide en français, voir le post Instagram des Handi·es Tordu·es, « La neuroqueerité », 21 juillet 2023 : https://www.instagram.com/p/CuZupLqtA1r/ ↩︎
- Voir l’article de Charlotte Puiseux, « Criper la théorie queer », 2015, et ce qu’elle rapporte des écrits de Merri Lisa Johnson : https://charlottepuiseux.weebly.com/alter2015.html ↩︎
- Zig Blanquer est un militant et chercheur handi qui travaille depuis le début des années 2000 sur la question des handicaps, de l’autonomie, du validisme (il a introduit en France le concept de validisme, traduction de l’anglais ableism, en 2004 avec son texte diffusé sous forme de brochure La Culture du Valide (occidental)). Il a aussi beaucoup travaillé sur la question des sexualités des personnes handicapées, et témoigne entre autres de sa connaissance des milieux queer notamment en tant qu’homme trans. Ses articles majeurs ont été rassemblés et publiés aux éditions Monstrograph en 2022 sous le titre Nos existences handies. ↩︎
- Comme premier·es théoricien·nes important·es du Crip (anglophones), on peut citer Robert Mc Ruer, Alison Kafer, Christopher Bell, Merri Lisa Johnson, et dans des sphères moins académiques Patty Berne, Mia Mingus, Leroy Moore, Eli Clare (liste non-exhaustive). ↩︎
- Études sociales et culturelles autour du handicap : champ de recherche qui permet d’envisager la question du handicap autrement que sous le seul prisme médical. ↩︎
- Le mouvement Crip est incarné de la manière la plus connue et visible par la troupe d’artistes Sins Invalid, et individuellement certain·es de ses performeureuses et militant·es comme Leroy F. Moore ou Leah Lakshmi Piepzna-Samarasinha. ↩︎
- Dans un sens large, un stigmate est une marque physique, visible, de quelque chose de pénible, honteux, ou infamant. Une pensée conceptuelle sociologique et philosophique sur le stigmate a été proposée par le sociologue Erving Goffman dans son ouvrage Stigmate. Les usages sociaux des handicaps (1963), ainsi que par Michel Foucault puis Judith Butler à propos des « déviances » (de la norme sociale) sexuelles et de genre. ↩︎
- Front Homosexuel d’Action Révolutionnaire, fondé en 1971 et initialement composé de gays et lesbiennes ; le groupe s’est ensuite scindé en raison de la prédominance masculine. ↩︎
- Victor Abraham, « La pathologisation comme pilier de l’ordre social : handicap, race, capitalisme », Contretemps : revue de critique communiste, 21 juillet 2021 : https://www.contretemps.eu/pathologisation-pilier-ordre-social/ ↩︎
- Campbell, 2001, traduite et citée par Anne Revillard, « Genre, handicap et questionnement des normes », Alter n°16|2 : Les normes interrogées par le handicap, 2022 : https://journals.openedition.org/alterjdr/554 ↩︎
- Campbell, 2018, traduite et citée par Revillard, 2022. ↩︎
- Talila Lewis, « Working definition of ableism – January 2022 Update », 1er janvier 2022 : https://www.talilalewis.com/blog/working-definition-of-ableism-january-2022-update (Ma traduction imparfaite) ↩︎
- Nous utilisons ici des termes renvoyant à l’idée de « folie » comme terme englobant toutes les manières d’être, de ressentir, de percevoir le monde, de réagir à la souffrance, aux violences et aux traumatismes, qui sont stigmatisées et désignées comme hors du champ de la raison et du normal. Que l’on parle de folie, de maladie mentale, de troubles psychiques ou de neurodivergences, il s’agit toujours de catégories dépendantes d’un contexte social et politique, qui recouvrent des vécus extrêmement divers et nuancés. ↩︎
- De chair et de fer, 2022, p.130 ↩︎
- Est dyadique qui n’est pas intersexué·e, c’est-à-dire qui naît avec un corps et des caractéristiques sexuées qui entrent dans les normes biologiques actuelles du « masculin » ou du « féminin ». ↩︎
- De chair et de fer, 2022, p.87. ↩︎
- Les écrits ou interviews de Leah Lakshmi Piepzna-Samarasinha parlent particulièrement bien de cette « intelligence crip », aussi abordée dans cet article d’Harriet de G. : « Moins d’inspiration, plus de fierté », 9 février 2023 : https://www.harrietdegouge.fr/post/708793504022904833/moins-dinspiration-plus-de-fierté ↩︎
- Pour une traduction en français des 10 principes de la Disability Justice, voir le post Instagram de @raplapla_et_porte_voix : https://www.instagram.com/p/CVaebjbjDAT/?img_index=1 (d’autres références en bibliographie). ↩︎
- « Quelle place pour les handis dans les fictions ? », LSD, France Culture, 28 avril 2022. https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/lsd-la-serie-documentaire/quelle-place-pour-les-handis-dans-les-fictions-6726126 ↩︎
- « Collectif noir anti-autoritaire créé en France en 2010 », qui vise à « lutter contre toutes les formes de domination dans une perspective afrocentrée », ce collectif a entre autres informé sur les enjeux croisés de race et handicap dans le cas de violences policières, ainsi que pris la parole sur les questions de santé mentale dans les communautés noires. ↩︎
- Cases Rebelles, « Sins Invalid, des corps révolutionnaires », février 2015 : https://www.cases-rebelles.org/sins-invalid-handies-revolutionnaires/ ↩︎
- Le drag est une forme de performance artistique et de divertissement qui utilise le vêtement, le maquillage, la coiffure, l’expression scénique pour jouer de manière volontairement exagérée des formes d’expressions de genre (les drag queens jouent la féminité, les drag kings la masculinité) ou d’autres formes d’expression de rôles sociaux. ↩︎
- Voir entre autres la troupe Drag Syndrome (https://www.dragsyndrome.com/), les récentes soirées « Dragatypie », « par et pour les personnes handies/neuroA » organisées à Lille (https://www.instagram.com/p/C6TMW13iG18/), ou encore les témoignages dans l’épisode 31 du podcast H comme Handicapé·e·s, où plusieurs artistes racontent leur expérience et leur intégration du handicap dans leurs spectacles. ↩︎
- https://www.instagram.com/p/C-Fzm_VKhif/ ↩︎
- À propos de Frida Kahlo et l’effacement de ses handicaps, lire notamment : Elena Chamorro, « La Barbie Frida Kahlo a un message pour vous », Dièses, 25 janvier 2022 : https://dieses.fr/la-barbie-frida-kahlo-a-un-message-pour-vous, ou voir la vidéo biographique de Jessica Kellgren-Fozard : https://www.youtube.com/watch?v=1HgJFniYtzc ↩︎
- Outre ses propres textes, elle a traduit avec Emma Bigé et mis en page notamment une nouvelle futuriste de Mia Mingus (mais aussi d’autres textes) : https://www.harrietdegouge.fr/post/747633851044691968/hollow ↩︎
- Ces quelques exemples ne visent pas à être exhaustifs ni même représentatifs de toutes les initiatives existantes dans l’espace francophone européen, et encore moins exhaustifs et représentatifs des nombreux·ses artistes, auteurices et militant·es queers et handi·es qu’il y a parmi nous ! ↩︎
- Cases Rebelles, « Sins Invalid, des corps révolutionnaires », février 2015 : https://www.cases-rebelles.org/sins-invalid-handies-revolutionnaires/ ↩︎
- Encore une fois, nous citons ici des personnes handicapées et queer dont le discours a été diffusé publiquement, mais ces témoignages individuels font écho à beaucoup d’autres, partagés dans des sphères plus privées. ↩︎
- Le Collectif Ostensible se définit comme une « structure de recherches-création active dans les champs des disability, crip studies et de l’art contemporain ». ↩︎
- « Conversation entre Lucie Camous et No Anger (Ostensible) », Bruise Magazine, 8 juin 2023 : https://www.bruisemagazine.com/article/conversation-entre-lucie-camous-no-anger-ostensible ↩︎
- Voir la liste de revendications dans son ensemble, qui détaille chaque revendication d’autodétermination selon les situations, groupes ou peuples concernés : https://paris-luttes.info/la-pride-radicale-est-de-retour-le-18349 ↩︎
- https://stuut.info/Video-Transpedegouine-2024-Une-pride-queer-et-militante-a-Liege-4058 ↩︎
- Elijah Djaé, « Trans·fols » , 11 septembre 2024 : https://kriptique.blog/2024/09/11/trans%c2%b7fols/ ↩︎
- De chair et de fer, p.125 ↩︎
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